Théorie de la coquille

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  • Publication publiée :3 novembre 2020
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Le souffle de créativité qui animait nos ancêtres bute contre le mur des cons, des veaux et récemment des beaufs chers au cœur du comédien François Cluzet. À quelle catégorie de Français peut-il bien appartenir ?

Une foule d’adjectifs qualificatifs et attributs viennent consacrer l’état d’abrutissement dans lequel nous enferme l’intelligentsia de gauche. Ces braves gens soucieux de la santé mentale de nos concitoyens peuvent être remerciés. Ils rêvaient de grandes évolutions sociales, de vivre ensemble, de laïcité, nous voilà aux portes de l’enfer. On ne peut pas les blâmer : ils n’avaient pas d’obligations de résultats ou de moyens. Notre jugement devra porter moins sur leurs actes que sur leurs intentions, essayer de comprendre, éviter de s’enfoncer dans la jungle de leurs contradictions. Pour un peu on effacerait « intelligentsia » du dictionnaire, d’autant que terme « de gauche » n’est pas nécessaire. L’expression appliquée à la droite ferait rire ou grincer ceux qui ont pour toute ambition de nous apprendre à vivre. Elle est à la fois universelle et tautologique et surtout, on ne différentie pas très bien la différence entre une politique de gauche ou de droite.

Nous sommes en France. La perfection, le monopole du cœur et la raison à tout prix nous viennent en droite ligne du siècle des Lumières. Nous avons changé de siècle et perdu la lumière qui éclairait tantôt Liberté, Égalité, fraternité. Un coup de génie des démocrates militants et nous voilà de l’autre côté du mur pour légalité, diversité, communauté.

Pourtant nous avions fait confiance à nos élites. Ils voulaient nous transporter au-delà de l’horizon et emportaient notre adhésion. Ils ont fait trop bon accueil aux marchands. Les libéraux, parce que le mot marchand n’est pas à la mode, pour mieux piéger leur proie utilisent des méthodes qui font recette. Catalogué, claquemuré dans une réalité virtuelle ou dans une communauté, l’individu est vidé de sa substance et sacrifié sur l’autel de la consommation.

Les biens de son monde sont matériels ou spirituels. Noyé dans sa coquille de noix, il se prend pour le roi du monde. Il est nourri de smartphones de berlines allemandes, de hamburgers en carton et de spiritualité distillée par son parti, sa religion, le Grand-Orient ou son think tank préféré. Il est prêt à défendre bec et ongles sa coquille. Oublié la nation et sa devise si prometteuse, chacun pour la communauté, l’état fera le reste.

Le rôle de l’État de ce côté du mur est bien malaisé : concilier des milliers de coquilles qui communiquent à peine entre-elles. Elles ont deux points communs cependant : chacune promeut des règles qui lui sont propres, chacune se compose d’électeurs. L’importance que l’État providence lui accorde est liée à la quantité d’individus qui la composent ou de la quantité de désordre qu’elle est capable de produire ou bien encore de paramètres liés à l’étonnante habileté dont font preuve nos  dirigeants. On peut rayer les mentions inutiles ou bien cocher toutes les cases.

Cette comédie sociale ne produit rien. Tous les gouvernements ont essuyé des échecs cuisants : la réforme de la SNCF, le régime de retraite universel, la reconstruction de l’Europe si petitement construite, en bref la réparation illusoire du pays. La note est salée à la fin des mandats. Les suivants ne feront pas mieux sans briser le mur qu’ils ont eux-mêmes bâti.

 L’ennui est que l’égalité est dans la coquille ainsi que la fraternité et l’enfermement. On peut y entrer simplement ; la sortie est plus difficile. Elle consacre la réussite d’un système (libéral ou ultralibéral) reconstruit de l’échec du marxisme, amputé de valeurs et de principes moraux.

Le très beau texte du manifeste du parti communiste a cessé de faire illusion. Mais, on ne peut pas dire le mal, car l’exclusivité du bien appartient à la communauté.

La coquille est comme un objet informatique. Elle a des propriétés, des méthodes. C’est un conteneur autonome qui contient des informations et concerne un sujet, manipulé dans un programme. Le sujet est souvent quelque chose de tangible appartenant au monde réel. Des boites de pandore que l’on ne se risque pas à ouvrir constituent le tissu de nos sociétés nouvelles. On peut sans coup férir, créer ou tuer, encenser ou abattre, enseigner ou décapiter tout en gardant raison et vertu pourvu que l’on achète le dernier smartphone. Un fardeau de lois, de règles et règlements, un pacte avec ses yeux de ne jamais regarder le concret, des cours de philosophie utilitariste à des imbéciles bêlants cimentent le mur de coquilles. Qui pourrait en questionner l’existence, sans être merveilleux : juste nécessaire ?

Philippe Herbaut le 03/11/2020

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