Leçon d’Histoire

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  • Publication publiée :24 août 2020
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Nous sommes en guerre le 22 aout 1944, malgré le débarquement des alliés le 6 juin. Des milliers de morts jonchent encore le sol français. L’armée allemande recule, appuyée par les chars des divisions Panzer SS. La Résistance française harcèle les convois. Les nazis sèment la terreur sur le chemin de la honte, celui d’une défaite annoncée. Ils ont trouvé une méthode très efficace pour tenter d’endiguer des actes qu’ils considèrent comme terroristes. Il suffit d’enfermer autant d’habitants que possible dans une église et d’y mettre le feu.Oradour-sur-Glane en est témoin, mais aussi Distomo en Grèce, Marzabotto en Italie. Déjà testée sur le front soviétique, cela fonctionne très bien.

Ce jour-là, un jeune officier allemand, regard bleu acier, uniforme noir impeccable décide d’étancher sa soif de sang. Il veut punir le village d’Aillant-sur-Milleron qu’il tient pour responsable de la mort d’un de ses hommes. Deux individus sont arrêtés. Aubaine, ils viennent juste de s’échapper des camps de travail allemand. Ils se rendaient dans une ferme pour proposer leurs bras et leur compétence de puisatier. Le hasard met fin à leur courte vie. Maurice, trente-neuf ans, François, vingt-six ans sont fusillés sur place. Les corps sont recouverts de fourrage. L’officier n’en a pas fini avec Aillant. Il contraint les habitants du village à s’entasser dans l’église minée au préalable. La mairie, l’école et plusieurs maisons du village sont incendiées. Marcel, grand blessé de guerre et Jean, ancien Maire sont fusillés au pied d’un arbre. Il est probable que les 2 amis ont compris que les SS vont mettre le feu, faire sauter le bâtiment et que le drame d’Oradour se reproduira. Dans l’église, il y a une partie de leur famille, des amis et tous ont été ses administrés. Ils tentent de convaincre l’officier allemand de ne pas sacrifier la population. Le nazi n’est pas prêt à lâcher sa vengeance, alors les deux hommes offrent leur vie, il accepte. Le lendemain, il ouvre les portes de l’église.

Histoire dramatique d’un concours de circonstances et d’un sacrifice ? Nombreux sont les villages français qui ont payé cher le prix de la barbarie nazie. Nul doute que les élus locaux organisent des commémorations. Des héros méconnus sont célébrés, des fleurs accompagnent le recueillement de leur famille et des amis qui sont encore en vie. Leur souvenir s’estompe. Les atrocités ne résistent au temps que si l’on se souvient. Mais pourquoi se souvenir ?

Cette question ne se pose pas à Aillant-sur-Milleron. Madame la Maire de la commune croit indéfectiblement au devoir de mémoire. Elle organise chaque année une cérémonie de haute tenue ou l’on rend aux 4 victimes l’hommage qu’ils méritent et les remerciements de la patrie. Cette année, la Marseillaise et le chant des partisans interprétés à capella par un baryton de classe internationale en témoignent.

Madame la Maire ! Votre talent, loin des lumières de Versailles est de donner du sens aux souffrances endurées, de proposer un monde plus humain, de ne jamais permettre que la barbarie l’emporte, de montrer enfin que l’avenir se construit aussi dans le passé.

Une très belle leçon que devraient recevoir nombre d’élus de la République.

Ph. Herbaut le 22 aout 2020.

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