Mauvaise manière

Depuis 3 ans, la guerre en Ukraine occupe les médias et le petit monde du paysage audiovisuel qu’ils aimeraient gouverner. Pourtant, ce n’est pas ce que l’on attend du quatrième pouvoir. Le conflit fournit à de jeunes gens bien sous tout rapport la possibilité de variations à l’infini sur les stratégies des grands de ce monde. Pour cela, coqs déplumés ou minois d’anges disposent d’une foule d’experts en tout, et particulièrement en politique et en manœuvres tactiques militaires.

Chaque jour, la situation se clarifie, juste avant qu’un expert n’affirme exactement le contraire. Les chaînes d’info déroulent le conflit, aux heures d’info continu comme une série Netflix : saisons à rallonge, rebondissements prévisibles, cliffhangers.

On dit que les États-Unis tiennent les rênes, que la Russie mène la danse, et que l’Europe est un acteur décisif. Les uns fournissent des armes, des armées, d’autres des armes et des mots. Les complexes militaro-économiques, comme les nommait le bon président Eisenhower, sont sollicités à n’en plus pouvoir.

Il y aurait bien un autre acteur, l’Ukraine : après tout, c’est sur son territoire que se déroulent les massacres. Selon le cas, c’est une noble victime héroïque, ou bien ses dirigeants sont des pantins à la solde de leurs protecteurs. Pas de panique : les deux versions se tiennent, puisqu’on les sert à cinq minutes d’intervalle.

L’Ukraine n’appartenant pas encore au monde occidental et la Fédération de Russie n’ayant aucune intention de le rejoindre, on se moque éperdument du nombre de morts sur le théâtre des opérations. Presque un million de victimes depuis le début du conflit : pas de quoi susciter le courroux de nos chefs de guerre et l’énervement des médias occidentaux. De toute façon, les victimes ne servent que de statistiques utiles pour meubler les débats. C’était déjà le cas pour les dizaines de millions de victimes du communisme.

La France, qui a une conscience des risques que génère l’attitude du président russe, souhaite que l’Europe se prépare à résister à l’envahisseur. L’OTAN aurait dû assurer cette fonction : protéger l’Occident. Mais, les bailleurs de fonds américains ont tari la source. L’organisation ne serait donc plus qu’une coquille vide, disent les Européens et les Anglais, pour une fois d’accord entre eux. Il ne reste que quelques figures étoilées qui pensent encore s’opposer aux menaces que l’adhésion de l’Ukraine à l’Union européenne exerce sur le bloc russe.

Voilà la magie du discours médiatique : chaque phrase est tranchée, définitive, incontestable, jusqu’à la suivante.

Loin des plateaux où s’entrechoquent les certitudes, la guerre en Ukraine est moins un feuilleton télévisé, qu’une mécanique bien huilée, conséquence d’intérêts américains et russes bien pesés.

Yalta 1945, Staline sort grand vainqueur de la conférence en Crimée. Roosevelt, en échange du soutien soviétique pour terminer rapidement la guerre dans le Pacifique, concède à Staline la suprématie du bloc soviétique sur l’Europe de l’Est.

Le président américain comprend que l’influence des États-Unis dans le monde passe par le contrôle de la manne pétrolière. Il veut également s’assurer de la sécurité des communautés juives, en vue de la création d’un état israélien. Il embarque sur le cuirassé Quincy et rencontre notamment le roi Saoud d’Arabie Saoudite, à qui il garantit la sécurité du royaume. Les deux présidents suivants, Truman et Eisenhower, installent l’influence des États-Unis sur le monde.

Cette politique se poursuit jusqu’à l’arrivée du président Trump. Celui-ci préfère un engagement diplomatique avec Poutine à un conflit armé. Il ne croit plus à l’OTAN, il le claironne, dont il assure à lui seul ou presque le financement.

Berlin 1989, Poutine, agent du KGB en poste à Dresde, assiste impuissant à la chute du mur. Président, il dira que cet événement a marqué la fin de l’influence soviétique en Europe centrale et orientale et que ce fut une catastrophe géopolitique. Aujourd’hui, il ne cache pas qu’il ne tolérera pas l’entrée de l’Ukraine dans l’OTAN et dans l’Union européenne. Sa stratégie, selon le Kremlin, consiste à soutenir des gouvernements pro-russes afin de restaurer une zone d’influence sans déclencher de conflits majeurs.

Les risques demeurent faibles pour la Russie, mais génèrent des tensions durables avec l’Occident. Pourquoi irait-il en Ukraine et provoquerait-il la colère du monde occidental ? Il n’a besoin que de zones tampon pour protéger les frontières de son pays. Il annexe la Crimée, envahit les territoires pro-russes du Donbass, une large partie du Zaporizhzhia et du Kherson. Il dit ce qu’il fait et fait ce qu’il dit.

Minsk septembre 2014, grâce la médiation franco-allemande, un accord est signé par l’Ukraine, la Russie, les séparatistes du Donbass et l’OSCE. Français et allemand se félicitent d’une solution diplomatique qui interrompt les massacres de part et d’autre dans le Donbass. L’accord est si bancal que sur le terrain, les parties ne le respectent pas. L’Europe a tendu sa main, croyant que les mots retiennent les armes.

La Russie ne respecte que ce qui sert son ombre. L’illusion cède au temps, et la force devient la seule mesure parce que les Ukrainiens continuent de persécuter les communautés pro-russes.

Voilà la magie du discours diplomatique: un accord qui cesse partiellement le feu , mais prépare la guerre d’un peu plus tard. Les Européens ne pardonnent pas à la Fédération de Russie d’avoir semé des leurres dans les trous de son nez.

Tandis que les médias se repaissent de caricatures, Trump le bouffon, Poutine le Tsar moderne, l’intelligence des deux hommes affaiblit l’Europe. Le pétrole américain se vend à prix d’or tandis que l’huile et le gaz russe alimentent la croissance chinoise.

Comment a-t-on pu gâcher de si étroites et historiques relations ? Talleyrand, le diable boiteux, le diplomate qui voua sa vie à replacer la France au cœur de l’échiquier européen, doit se retourner dans sa tombe. Musset reprocherait-il à Voltaire d’avoir scellé avec la Russie des liens autrement plus fort que le bruit des bottes?

Dors-tu content, Voltaire, et ton hideux sourire Voltige-t-il encore sur tes os décharnés ?
Philippe Herbaut — septembre 2025.
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Théorie de la coquille

Le souffle de créativité qui animait nos ancêtres bute contre le mur des cons, des veaux et récemment des beaufs chers au cœur du comédien François Cluzet. À quelle catégorie de Français peut-il bien appartenir ?

Une foule d’adjectifs qualificatifs et attributs viennent consacrer l’état d’abrutissement dans lequel nous enferme l’intelligentsia de gauche. Ces braves gens soucieux de la santé mentale de nos concitoyens peuvent être remerciés. Ils rêvaient de grandes évolutions sociales, de vivre ensemble, de laïcité, nous voilà aux portes de l’enfer. On ne peut pas les blâmer : ils n’avaient pas d’obligations de résultats ou de moyens. Notre jugement devra porter moins sur leurs actes que sur leurs intentions, essayer de comprendre, éviter de s’enfoncer dans la jungle de leurs contradictions. Pour un peu on effacerait « intelligentsia » du dictionnaire, d’autant que terme « de gauche » n’est pas nécessaire. L’expression appliquée à la droite ferait rire ou grincer ceux qui ont pour toute ambition de nous apprendre à vivre. Elle est à la fois universelle et tautologique et surtout, on ne différentie pas très bien la différence entre une politique de gauche ou de droite.

Nous sommes en France. La perfection, le monopole du cœur et la raison à tout prix nous viennent en droite ligne du siècle des Lumières. Nous avons changé de siècle et perdu la lumière qui éclairait tantôt Liberté, Égalité, fraternité. Un coup de génie des démocrates militants et nous voilà de l’autre côté du mur pour légalité, diversité, communauté.

Pourtant nous avions fait confiance à nos élites. Ils voulaient nous transporter au-delà de l’horizon et emportaient notre adhésion. Ils ont fait trop bon accueil aux marchands. Les libéraux, parce que le mot marchand n’est pas à la mode, pour mieux piéger leur proie utilisent des méthodes qui font recette. Catalogué, claquemuré dans une réalité virtuelle ou dans une communauté, l’individu est vidé de sa substance et sacrifié sur l’autel de la consommation.

Les biens de son monde sont matériels ou spirituels. Noyé dans sa coquille de noix, il se prend pour le roi du monde. Il est nourri de smartphones de berlines allemandes, de hamburgers en carton et de spiritualité distillée par son parti, sa religion, le Grand-Orient ou son think tank préféré. Il est prêt à défendre bec et ongles sa coquille. Oublié la nation et sa devise si prometteuse, chacun pour la communauté, l’état fera le reste.

Le rôle de l’État de ce côté du mur est bien malaisé : concilier des milliers de coquilles qui communiquent à peine entre-elles. Elles ont deux points communs cependant : chacune promeut des règles qui lui sont propres, chacune se compose d’électeurs. L’importance que l’État providence lui accorde est liée à la quantité d’individus qui la composent ou de la quantité de désordre qu’elle est capable de produire ou bien encore de paramètres liés à l’étonnante habileté dont font preuve nos  dirigeants. On peut rayer les mentions inutiles ou bien cocher toutes les cases.

Cette comédie sociale ne produit rien. Tous les gouvernements ont essuyé des échecs cuisants : la réforme de la SNCF, le régime de retraite universel, la reconstruction de l’Europe si petitement construite, en bref la réparation illusoire du pays. La note est salée à la fin des mandats. Les suivants ne feront pas mieux sans briser le mur qu’ils ont eux-mêmes bâti.

 L’ennui est que l’égalité est dans la coquille ainsi que la fraternité et l’enfermement. On peut y entrer simplement ; la sortie est plus difficile. Elle consacre la réussite d’un système (libéral ou ultralibéral) reconstruit de l’échec du marxisme, amputé de valeurs et de principes moraux.

Le très beau texte du manifeste du parti communiste a cessé de faire illusion. Mais, on ne peut pas dire le mal, car l’exclusivité du bien appartient à la communauté.

La coquille est comme un objet informatique. Elle a des propriétés, des méthodes. C’est un conteneur autonome qui contient des informations et concerne un sujet, manipulé dans un programme. Le sujet est souvent quelque chose de tangible appartenant au monde réel. Des boites de pandore que l’on ne se risque pas à ouvrir constituent le tissu de nos sociétés nouvelles. On peut sans coup férir, créer ou tuer, encenser ou abattre, enseigner ou décapiter tout en gardant raison et vertu pourvu que l’on achète le dernier smartphone. Un fardeau de lois, de règles et règlements, un pacte avec ses yeux de ne jamais regarder le concret, des cours de philosophie utilitariste à des imbéciles bêlants cimentent le mur de coquilles. Qui pourrait en questionner l’existence, sans être merveilleux : juste nécessaire ?

Philippe Herbaut le 03/11/2020

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Leçon d’Histoire

Nous sommes en guerre le 22 aout 1944, malgré le débarquement des alliés le 6 juin. Des milliers de morts jonchent encore le sol français. L’armée allemande recule, appuyée par les chars des divisions Panzer SS. La Résistance française harcèle les convois. Les nazis sèment la terreur sur le chemin de la honte, celui d’une défaite annoncée. Ils ont trouvé une méthode très efficace pour tenter d’endiguer des actes qu’ils considèrent comme terroristes. Il suffit d’enfermer autant d’habitants que possible dans une église et d’y mettre le feu. Oradour-sur-Glane en est témoin, mais aussi Distomo en Grèce, Marzabotto en Italie. Déjà testée sur le front soviétique, cela fonctionne très bien.

Ce jour-là, un jeune officier allemand, regard bleu acier, uniforme noir impeccable décide d’étancher sa soif de sang. Il veut punir le village d’Aillant-sur-Milleron qu’il tient pour responsable de la mort d’un de ses hommes. Deux individus sont arrêtés. Aubaine, ils viennent juste de s’échapper des camps de travail allemand. Ils se rendaient dans une ferme pour proposer leurs bras et leur compétence de puisatier. Le hasard met fin à leur courte vie. Maurice, trente-neuf ans, François, vingt-six ans sont fusillés sur place. Les corps sont recouverts de fourrage. L’officier n’en a pas fini avec Aillant. Il contraint les habitants du village à s’entasser dans l’église minée au préalable. La mairie, l’école et plusieurs maisons du village sont incendiées. Marcel, grand blessé de guerre et Jean, ancien Maire sont fusillés au pied d’un arbre. Il est probable que les 2 amis ont compris que les SS vont mettre le feu, faire sauter le bâtiment et que le drame d’Oradour se reproduira. Dans l’église, il y a une partie de leur famille, des amis et tous ont été ses administrés. Ils tentent de convaincre l’officier allemand de ne pas sacrifier la population. Le nazi n’est pas prêt à lâcher sa vengeance, alors les deux hommes offrent leur vie, il accepte. Le lendemain, il ouvre les portes de l’église.

Histoire dramatique d’un concours de circonstances et d’un sacrifice ? Nombreux sont les villages français qui ont payé cher le prix de la barbarie nazie. Nul doute que les élus locaux organisent des commémorations. Des héros méconnus sont célébrés, des fleurs accompagnent le recueillement de leur famille et des amis qui sont encore en vie. Leur souvenir s’estompe. Les atrocités ne résistent au temps que si l’on se souvient. Mais pourquoi se souvenir ?

Cette question ne se pose pas à Aillant-sur-Milleron. Madame la Maire de la commune croit indéfectiblement au devoir de mémoire. Elle organise chaque année une cérémonie de haute tenue ou l’on rend aux 4 victimes l’hommage qu’ils méritent et les remerciements de la patrie. Cette année, la Marseillaise et le chant des partisans interprétés à capella par un baryton de classe internationale en témoignent.

Madame la Maire ! Votre talent, loin des lumières de Versailles est de donner du sens aux souffrances endurées, de proposer un monde plus humain, de ne jamais permettre que la barbarie l’emporte, de montrer enfin que l’avenir se construit aussi dans le passé.

Une très belle leçon que devraient recevoir nombre d’élus de la République.

Ph. Herbaut le 22 aout 2020.

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Réconciliation des mémoires

Quand on traque le passé avec l’ordinaire du présent, on occulte le feu d’idées qui agite le temps qui les sépare. Qui donc se ferait le champion d’une telle vilenie : les roitelets Talleyrand de sous-préfecture, les coqs et poules déplumés du petit écran, les influenceurs et intégristes des réseaux sociaux ; celles et ceux qui trahissent l’Histoire de leurs soupes bonimenteuses ?

La paresse, le buzz et le scoop règnent sur le temps, les sciences de l’esprit perdent pied devant l’art du communicant et le bon sens populaire des communautés. Ils font résolument illusion, car la vérité n’est qu’une circonstance de ce que l’on donne à croire. Tout cela sème le trouble et la confusion justifie l’ignorance, le consensus mou et pour l’honnête homme de se tromper en toute confiance.

Notre président qui fit campagne sur de grands principes et des promesses qu’il entend tenir nous offre une possibilité de permettre à l’Histoire d’être enseignées avec lucidité (sic). E. Macron, candidat avait défrayé la chronique lors de son voyage en Algérie. Le chef de l’État persiste et signe. La « réconciliation des mémoires » est indispensable afin que colonisation positive ou le crime contre l’humanité cessent d’empoisonner les relations franco-algériennes.

Quelles réalités appellent les soins du Président ? Environ quatre millions de Français dont parents ou grands-parents sont originaires d’Algérie, de binationaux ou d’Algériens résidents. Ils ont tous de l’histoire de France une vision différente des manuels scolaires que distribue l’éducation nationale. Ils sont totalement intégrés ou encouragent le clivage des communautés et la réaction violente à l’oppression qu’exercerait la République.

Chômage, violence, insécurité, drogue font de certaines de nos banlieues le miroir des townships sud-africains. Les principes républicains sont réfutés au nom du droit que l’on s’accorde de se venger de ce que l’occupant colonialiste infligeât à la famille. Comment pourrait-on qualifier de zone de non-droit ces espaces réservés par la République elle-même, où l’on accepte que lois et usages soient décidés par la communauté ou la religion et non par le système législatif du pays d’accueil ?

Qui sont les missionnaires de la réconciliation des deux peuples ? Un historien français incontournable, né à Constantine, professeur d’université en France et à l’étranger, auteur d’une quarantaine d’ouvrages sur l’histoire de la guerre d’Algérie, de la décolonisation et des juifs au Maghreb. Un historien algérien, conseiller auprès de la présidence de la république, directeur général des archives nationales, ancien combattant de la guerre d’indépendance. Ardent défenseur de l’identité nationale, il s’attend pour le moins aux excuses de la France, au rapatriement des martyrs algériens, et à récupérer les dossiers des disparus de la guerre d’indépendance et celui des victimes des essais nucléaires français dans le Sahara.

Trouver une vérité commune promet d’être compliqué d’autant qu’un journaliste au Figaro et un philosophe de talent n’ont pas pour l’initiative française les yeux de Chimène. Le premier conteste l’impartialité du Français, le second affirme que la lecture de la guerre d’Algérie est difforme. La partie algérienne masquerait l’exploitation de son propre peuple en pointant du doigt la responsabilité et la culpabilité de la France. L’Algérien se dit représentant de son pays, le Français s’en défend pour prouver aux penseurs de pacotille sa totale indépendance. Quelles essences discordantes se dévoilent donc ici ?

Nous y sommes, l’heure du choix inutile est arrivée. Comme personne ne peut être totalement impartial, l’initiative relève moins de la chose publique que de la manipulation politique ou de l’égarement selon que l’on a voté pour ou contre l’élu du moment.

Au secours ! La faute primordiale ne faisant plus recette on a trouvé beaucoup mieux. Le passé devient une somme d’occasions de culpabilité. Contester les actes de nos ainées est plus simple que de se projeter au-delà de l’horizon. C’est nécessaire, mais largement insuffisant.


Ph. Herbaut. Le 02 aout 2020
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Un train peut cacher un avion

Prenez l’avion sur un trajet domestique, demandez plutôt à la SNCF !

Prenez l’avion, vous êtes responsable du réchauffement climatique.

Prenez l’avion, demandez à nos amis suédois, le « flygskam », littéralement la honte de prendre l’avion doit vous décourager.

De quoi marcher sur la tête ou faire rougir le Lindbergh de Charlebois?

Et bien, pas du tout ! Tout cela fait est parfaitement orchestré par le propriétaire de la SNCF ; c’est-à-dire l’État. Comprenons-le, il a le souci de l’argent public bien utilisé. Le soutien à coup de dizaines de milliards d’euros de son entreprise la plus turbulente commence à faire tache ; pas seulement à Bruxelles. Les gouvernements précédents avaient réussi à cacher la dette abyssale de l’entreprise en la reprenant sans la reprendre grâce à des montages financiers dont seuls les gourous de l’ENA pouvaient comprendre la beauté. Un objet financier non identifié, disait-on.

Aujourd’hui, l’heure est à la transparence et les 45 milliards dont il s’agit ne peuvent plus échapper à l’œil de l’usager comme à la Cour des comptes. La SNCF, fleuron de nos entreprises se devait de faire peau neuve.

C’est fait depuis le 1er janvier 2020. Elle devient une société anonyme à capitaux publics. Le groupe et ses filiales, il y en a six sont assujetties au droit des sociétés. Voilà un nouveau tour de passepasse qui permet aux opérationnelles de sortir la majeure partie de la dette de leur bilan, de recourir à l’investissement, et d’envisager la rentabilité. Il y en a pour 45 milliards d’euros affectés à la société mère dont l’État possède bien entendu 100 % du capital.

Reste à faire fonctionner le système. On s’attaque à la concurrence pour assurer la recette ! Les ministres de l’Économie et de la Transition écologique décident que les trajets de moins de 2 h 30 seront réservés aux trains. Les compagnies aériennes devront s’adapter et notamment Air France à qui l’on demande de repenser son réseau domestique. Un vrai faux cadeau de sept milliards pour mettre de l’huile dans les rouages d’un autre fleuron tout aussi turbulent. Tant d’argent dans des caisses vides ? Bruxelles, le recours à l’impôt ou l’emprunt devraient y pourvoir.

Il n’y a pas si longtemps, Air France déclarait qu’elle n’avait rien à craindre des « low-cost ». Le vrai concurrent est la SNCF, selon son président de l’époque. Pas d’erreur stratégique, on ne lui aurait pas permis de s’opposer au géant du rail. Ironie du sort, c’est le même président qui conseillera, en 2018, le Premier ministre au chevet du transport ferroviaire dans une situation préoccupante.

Covid-19 a la réputation bien établie de tuer les hommes et leurs entreprises. La casse sociale est au rendez-vous de la reprise. Le dialogue dont le dirigeant à la moustache syndicale pensée est le chantre n’a pas fini de subir toutes sortes de remous chers aux consommateurs français. À moins que le discours de nos dirigeants s’oriente vers le développement plutôt que la régression.

Ph Herbaut — le 2 juin 2020.

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Une pensée pour l’Afrique

Je chantais et dansais, ne vous déplaise. L’amour et l’eau fraiche suffisaient à vivre. L’amour, surtout, car l’eau venait à se faire rare et, vous allez rire, en Afrique, ils n’avaient même pas d’eau.

« Foin des délices de Capoue, 
Corona crie partout, 
vains dieux 
restez couchés,
l’oxygène va manquer. » 

Les griots et laudateurs vendant leur talent à septentrion ont abandonné le tronc des baobabs pour les lueurs de la cité. Les airs joyeux de la banlieue d’Asmara, de Djouba, de Bamako ou de Lagos se sont éteints sur les frêles esquifs naviguant sur les eaux bleues de la méditerranée. Ceux qui sont restés ne tarderont pas à faire entendre leur voix lorsque le covid-19 cessera d’épargner le continent.

Le Nigéria et ses 200 millions d’habitants devront faire face. Véritable éponge à pétrole dans le delta du Niger, le pays s’est beaucoup équipé en matériels de forage. L’Organisation mondiale de la Santé fait savoir quel euphémisme, que les systèmes de santé en Afrique sont mal équipés pour affronter l’épidémie. Selon le Secrétaire général de l’Organisation des Nations unies, la propagation du virus pourrait conduire à des millions de morts. Fort à propos, la Chine, principal partenaire commercial de l’Afrique, dépêche ses experts, là où l’or noir coule à flots. Elle multiplie les dons d’équipements médicaux comme pour tisser les liens de soie qui bornent ses relations avec le continent.

Les risques sont évalués, l’inquiétude est grande, la réalité est bien différente. Africa News publie au 10 avril ses statistiques. Pour 10 247 cas recensés, on déplore le décès de 522 personnes. La malaria (c’est a dire le, paludisme) en tue 400 000 par an. On peut évidemment contester ces statistiques ou bien se demander pourquoi le covid-19 ne se répand que très lentement. Les experts ne le savent pas si l’on en croit un article récent du quotidien 0uest France confirmé par RFI. Nul doute que les chercheurs se concentrent sur cette singularité. Les symptômes du paludisme ne sont pas ceux du Corona. Les molécules dont on connait bien le nom à présent (quinine, chloroquine, méfloquine) soignent le premier avec efficacité, on s’inquiète de leurs effets secondaires pour le second. Quelle essence dissonante se révèle donc ici ? La France serait-elle frileuse d’absorber les médicaments qu’elle fabrique pour l’Afrique ? Il n’y a pas de paludisme endémique en France, du moins pas encore. Il n’est pas contagieux. Le moustique français ne ressemble pas à l’anophèle porteur de la fièvre des marais.

Chez nous, le confinement s’impose, chez eux, c’est un luxe qu’ils ne peuvent se permettre.

Philippe Herbaut – Le 12 avril 2020

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Économie vs Mort

Sauver des vies, le plus possible de vies, c’est l’objectif des médecins et des personnels soignants. Ils sont applaudis chaque soir à 20 h dans toute la France. Partout sur la planète, les gouvernements ont étudié deux scénarios et leurs variantes.

Le premier Scénario est de ne rien faire. C’est le cas des USA de la Grande-Bretagne et des Pays-Bas notamment. Le Premier ministre Boris Johnson malheureusement pris à son propre jeu est en réanimation dans un hôpital de Londres. Cela a été le cas en France au tout début de l’épidémie en France. 530 000, c’est le nombre de morts estimé par l’Impérial Collège de Londres pour la France.

Le deuxième scénario consiste à confiner la population et partant accepter la récession. Ce scénario ramènera le nombre de décès à 20 ou 30 000 au mieux. Pour cela, on a besoin il faut d’une discipline de fer, mais on sait combien les Français sont rebelles et indisciplinés La France mettra des années à se remettre d’une baisse des activités économiques de l’ordre de 50 %. Dans les deux cas, la pression de la rue est très forte, car aucun de ces scénarios n’est évidemment acceptable. Le gouvernement cherche donc la reprise des activités économiques au plus tôt. Une variante qui ne laisserait pas ses partenaires européens renaitre des cendres de l’économie française. Il a bien d’éminents conseillers. Des solutions clefs en main pour Paris pour qui sa Mairesse à un plan de dé-confinement en dix points. Des plans de grande qualité décrits par les experts internationaux invités des grands médias. Pour simuler toutes ces propositions, il faut un peu de temps. Nul doute que gouvernement y travaille, même s’il est choquant de parler Économie quand le monde meurt à vos pieds.

Quelle que soit la solution, elle devra être ambitieuse, donner une idée vraie du travail accompli et des résultats obtenus et anticipés. Pour résoudre la crise, il faut emporter la conviction des Français que les élus sont au service du peuple et non des lobbys industriels. Le peuple doit être derrière ses gouvernants, encourager l’union nationale. Le discours politique est supporté par une communication exemplaire. Comme ce n’est pas non plus le point fort du gouvernement, il faut s’attendre aux piaillements des moustachus d’extrême gauche ravis d’avoir une tribune qui leur assure une longévité inespérée.

Depuis le mois de janvier, nous avons successivement traversé une phase d’observation, puis une phase de confinement, nous en sommes à envisager des solutions qui ne tuent pas à petit feu l’économie du pays. Pourtant ces trois phases vertueuses sont comprises, comme tâtonnements, errements, incompétence. C’est probablement vrai.

Le président américain n’a pas ce genre de préoccupation. Il se rapporte aux chiffres fournis par ses experts. La récession couterait trop cher à la collectivité. Il demande la poursuite des activités économiques dans le cadre d’une protection optimale. Les Chinois qui ont été les premiers frappés par le covi-19 adoptent la même politique. Il faudra attendre encore un peu pour que le président de la Fédération de Russie se prononce.

Ph Herbaut, le 9 avril 2020

 

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Air et fer, disparition d’un mythe

 

Pour parler d’aviation et de transport aérien il me faut vous conter une histoire d’amour. Cette histoire réécrit un mythe que vous connaissez bien.

– Le roi de Crète, Minos, reçoit en cadeau de Poséidon, un taureau blanc, pour qu’il lui soit offert en sacrifice. La bête est magnifique, 900kg, casaque blanche, naseaux fumants, coqueluche de ces dames de la race bovine. – Minos, sans doute par étourderie, sacrifie un autre animal. – Poseidon, furieux se venge, par un de ces tours de passepasse propres aux Dieux de l’Olympe. Il fait que la reine de Crète, Pasiphaé femme de Minos, s’éprend du taureau blanc. * Dédale est un célèbre ingénieur. Pasiphaé lui demande de créer un artifice lui permettant de s’accoupler à l’animal sacré, requête à laquelle Dédale accède. – De cette union nait le Minotaure, le corps d’un homme, la tête d’un taureau. Pour cacher le fruit de ce déshonneur, Dédale, encore lui, construit le labyrinthe qui enferme la bête. – Minos qui ne veut pas faire le buzz sur BFM TV Crête, demande à Thésée de tuer le Minotaure. – Thésée pour l’amour d’Ariane exécute la tâche et s’en retourne vers sa belle en fuyant le labyrinthe grâce au célèbre fil dont l’idée vient, contrairement à ce que l’on croit de Dédale, qui décidément mange à tous les râteliers. – A cause de ses trahisons répétées, Dédale est jeté avec son fils Icare dans le labyrinthe dont il est l’architecte. (Pas Icare, Dédale) – Ne pouvant emprunter ni la voie des mers, ni celle de la terre, Dédale pour fuir la Crète, fabrique des ailes semblables à celles des oiseaux, avec de la cire et des plumes. – Le Briefing du père pour le fils est clair : on ne vole pas trop bas, à cause de l’humidité de l’eau et on ne vole pas trop haut, à cause du soleil et de ses rayons brulants.

La suite vous la connaissez : Icare périt dans les flots, Dédale crée l’aviation.

On notera que le mot « aviation » ne sera inventé que quelques milliers d’années plus tard par Gabriel de La Landelle ; du latin avis =  oiseau, et actio = action. Le mythe est entretenu, par la bravoure et les actes de femmes et hommes : ingénieurs, mécaniciens, pilotes, écrivains, etc. Ils sont nombreux à faire du rêve de quelques-uns la réalité d’aujourd’hui. Un hommage en passant à Alberto Santos-Dumont, Amélia Ehrart, Antoine de Saint-Exupéry, Charles Lindbergh, Charles Nungesser, Hélène Boucher, Louis Blériot, Pierre Clausterman, Didier Daurat l’homme du courrier et bien d’autres.

Comment est-on passé de l’Aviation avec un grand « A » au transport aérien avec un petit « t » ou un grand  « T » d’ailleurs ? Plusieurs raisons :

– Le développement du commerce. – L’aviation, réservée aux riches, ministres, hommes d’affaires, s’ouvre vers les transports de masse. – L’abandon des drôles de machines volantes pour des appareils plus performants, plus confortables et de plus forte densité. – Les différentes crises pétrolières.

Fin d’un mythe peut-être, nostalgie surement. Les hommes l’ont construit pas à pas, vol après vol jusqu’à ce que les intérêts économiques ne rencontrent plus le gout du rêve et vice-versa.

Parler de chemin de fer, et de transport ferroviaire, c’est essayer de rechercher pourquoi un complexe utilitaire et fonctionnel, un système de transport comme le chemin de fer a pu et peut encore nourrir l’imaginaire collectif, jusqu’à devenir un phénomène transculturel, un véritable lieu commun de civilisation.

Vous voudrez bien me pardonner d’avoir emprunté et mis à ma sauce les propos de Jean Bouley, ancien directeur du matériel de la SNCF.

Pour saisir l’importance du mythe ferroviaire, dont le monde moderne reste fortement imprégné, rappelons une réaction courante qui se manifeste dans tous les pays, chaque fois que les pouvoirs publics envisagent ou décident de fermer de « petites lignes » déficitaires : il n’y passe qu’un ou deux trains par jour, souvent peu occupés, et pourtant quelle levée de boucliers suscite l’abandon de ces lignes de la part des populations desservies !

Le traditionnel effet de résistance au changement ne suffit pas à expliquer cette opposition quasi viscérale. Quelles sont les racines de ce discours mythique que la collectivité a progressivement élaboré autour du chemin de fer, depuis 150 ans qu’il existe ? La proximité est le premier de ces attributs ; elle se mesure avec précision en unités de temps (« Lyon est à deux heures de Paris avec le TGV »). Le chemin d’acier ne s’interrompt pas, il donne l’idée de l’infini, et la continuité du rail. Il existe une psychologie romanesque du train : Blaise Cendrars a un jour versé de vraies larmes lorsque, le pied sur un rail de la gare de l’Est à Paris, il a songé que cette tige d’acier, sans rupture, touchait à la Chine.

Une deuxième notion est celle du chemin de fer comme moyen et symbole d’évasion. Les références ne manquent pas des écrivains qui ont exprimé la poésie et le plaisir du voyage ferroviaire. Marcel Proust écrit (du côté de chez Swann) : « Les pays que nous désirons tiennent à chaque moment beaucoup plus de place dans notre vie véritable que le pays où nous nous trouvons effectivement. » Dans combien de romans ou de films ne voit-on pas figurer les halls de départs où se presse, côté « grandes lignes », la foule joyeuse, colorée et bruyante des évadés (peut-être que tout cela est un peu exagéré au vu des 40 derniers jours de grève de la SNCF et de la RATP).

Comme on est passé de l’aviation au transport aérien le mythe du Chemin de fer a cédé la place au transport ferroviaire tous deux, d’ailleurs, pour les mêmes raisons. Icare et Hermes ont du mal à survivre à la civilisation qui leur a donné naissance. La vitesse est devenue source de discorde, de concurrence. Air et Fer luttent pour leur survie, mais c’est maintenant Chronos qui gouverne. De ce fait l’aérien et le ferroviaire n’ont pas un avenir assuré, le premier parce qu’il contribue à la pollution de la planète, le second parce qu’il n’est pas adapté aux distances supérieures à 1000km.  Il est grand temps de tourner la page, changer de paradigme., se laisser bercer par Chronos : la supraconductivité nous y invite.

La supraconductivité, un mot magique pour des phénomènes étonnants ! La lévitation magnétique (MAGLEV) est une application spectaculaire du phénomène de supraconductivité avec de nos jours la réalisation de trains à très grandes vitesses.

– Le Train Hyper Loop de Elon Munk : un projet futuriste de train à très grande vitesse, baptisé Hyperloop, a été lancé en 2013 par le milliardaire américain Elon Musk<:span>, déjà à l’origine de SpaceX et Tesla . L’idée est de déplacer des capsules de passagers comme de fret par maglev le long d’une voie faite d’un tube à basse pression. Le projet est ouvert aux offres concurrentes de plusieurs entreprises, dont la startup « Hyperloop One » qui a fait la démonstration d’un prototype en public, près de Las Vegas le 11 mai. Il permettrait de relier en 30mn les 600km séparant Los Angeles de San Francisco, selon ses ingénieurs. – Les projets chinois : une équipe de scientifiques de l’université de Jiaotong a construit, en mai dernier, un prototype de train à sustentation magnétique, théoriquement capable de se déplacer à 2.900 kilomètres par heure. Ce train, qui pourrait faire Paris-Moscou en une heure, doit cependant circuler dans un tube, où la pression de l’air est dix fois inférieure à la pression atmosphérique, pour avancer à cette vitesse. La résistance de l’air au déplacement du train y est nettement réduite, tout comme l’énergie consommée. – …….

En un mot, il ne reste plus qu’à trouver une solution pour le transport aérien long-courrier. C’est une affaire de 20 ans pas plus, pour que le Maglev remplace l’avion.

Ph Herbaut – le 30 janvier 2020 ans pas plus.

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Solidarité bien française

« Dans les temps de révolution, on ne trouve d’habileté que dans la hardiesse, et de grandeur que dans l’exagération.» L’extrême droite n’a pas bien compris la leçon de Talleyrand. Elle fonde, justifie et assène des vérités qui glorifient la discrimination sociale. Comment, sans une once de programme politique, peut on réunir autant d’adhésion. Comment rend on acceptable le rejet de ceux qui n’ont plus l’heur de servir de chair à canon ou de travailler dans le rebutant ?

C’est que nous avons, peuple de France, la solidarité sélective voir évolutive. Jadis polonais, italiens puis espagnols et portugais, aujourd’hui arabes et roms, nous sommes cocardiers, en l’occurrence, parce qu’il est plus confortable de vivre dans une bulle dont sont exclus le partage et la solidarité. Cela produit cette fracture sociale, dont parlait un de nos présidents. Belle idée d’en avoir fait un programme politique. On oublie ainsi que les méchants sont aussi français depuis plusieurs générations et l’on se glorifie de beaux textes dont la portée ne dépasse jamais la plume.

Des lois bien faites, parfois incompréhensibles autrement que par ceux qui les ont rédigées sont là pour gommer les inégalités.

Le droit au logement, droit universel, remporte la palme de l’inapplicable. Non seulement nous sommes incapables de construire suffisamment de logements sociaux mais en plus, statistiques à l’appui, 95%, sont attribués à des populations françaises ou non, issues de l’immigration. Le pluralisme ne plait pas aux édiles non plus que la cohabitation aux sans abri. Il est, de nos jours très difficile de se vautrer dans le socialisme municipal et la République indivisible.

Les priorités du gouvernement semblent être d’investir dans le développement des secteurs stratégiques d’avenir. Mais la conversion numérique, écologique et énergétique de l’industrie, l’économie sociale et solidaire n’a pas eu le succès attendu par feu le ministère du redressement productif.

Voilà un constat dont peuvent s’emparer les extrémistes mais aussi les prosélytes de l’Islam intégriste. Ces derniers ne s’en privent pas, car ils ont obtenu quelques succès aux municipales de 2014, parfois jusqu’à 10%. Ils font de la jeunesse en déshérence une cible privilégiée. L’Islam intégriste devient l’élément de cohésion sociale que la république ne sait pas offrir.

Pas étonnant dans ces conditions que les Maires de tous bords s’opposent à la construction de logements sociaux dans leurs communes. Ils ne veulent pas être l’origine d’une crise sécuritaire et identitaire. Pas étonnant certes, mais il n’est pas possible de cacher l’ampleur de la misère aux abords de nos villes. Le chômage y atteint parfois jusqu’à 40% de la population active.

Ce n’est pas la croissance qui profitera aux victimes de l’immobilisme de nos gouvernants. La formation et les compétences ne sont pas aux rendez-vous. Point de hardiesse et surtout pas d’exagération non plus que de courage ; cela revient à accepter de gérer une nouvelle crise dans la crise, lorsque que privée d’existence sociale les oubliés et méprisés  du système, sauront se prévaloir de leur droits fondamentaux. La révolte sera alors « le plus sacré des droits et le plus indispensable des devoirs ». 

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Nos vieux

Pauvre cellule familiale, tu ne résistes pas aux charmes de cette époque où l’on gère pour toi la sécurité de l’emploi, la sécurité sociale et la retraite. Ton existence est mise en danger parce que la solidarité dans la famille fait place à l’expression permanente de l’intérêt personnel. C’est la loi qui te protège qui te prive de tes bons offices au profit de l’harmonie que chacun recherche pour lui même. Ce n’est pas nouveau, l’idée que l’on se fait de sa place dans la société évolue en même temps que la vague de textes protecteurs qui déferle sans précaution sur ta communauté. La raison et l’administration tentent de remplacer l’amour. Eclatante indécence que cette hécatombe que subissent nos ainées lorsque la grippe ou la canicule font leur apparition. «Nos Vieux » ont le droit à notre reconnaissance et à nos soins.

Cette vielle dame du vingtième siècle les avait elle reçu de son mérite? La guerre l’avait privée de son mari. Elle, une poliomyélite que l’on ne soignait pas à l’époque, l’avait privée de ses jambes et un peu plus.

Son bel officier français en grand uniforme de l’armée coloniale était parti pour assainir les marais infestés de moustiques, d’une région d’Afrique du Nord, avec la compagnie qu’il commandait, au nom de cette solidarité qu’aujourd’hui on foule aux pieds parce que la terre appartient aux peuples, pas à la France. Il n’en était pas revenu, mort de la fièvre des marais (malaria) et de l’illusion d’avoir servi sa patrie et peut être les amis qu’il s’était fait là bas. Elle, son infirmité l’avait rendue dépendante de sa fille. Elles avaient, toutes les deux traversé une autre guerre, tapies dans des abris ou au service obligatoire de l’envahisseur dans la maison de la famille.

Sa fille unique avait épousé un brave homme qui avait accepté de s’occuper de sa belle mère. Le couple avait fait de beaux enfants.

Cette belle et grande dame immobile percevait trop bien la charge qu’elle représentait pour sa famille qui lui reprochait doucement d’être responsable d’une vie bien terne. Les années folles, les siens ne les avaient pas vécues. La dame aux cheveux blancs portait son infirmité et ses peines avec dignité et retenue. Son seul bien était une photographie de son mari en grand uniforme, à cheval. Elle avait perdu ses jambes, une grande partie de sa vie mais pas son cœur.

Comme pour alléger le poids d’une culpabilité qui tordait son ventre, elle distribuait, à ces petits enfants, la bonté et l’amour parce que sa vie en dépendait. Lorsque l’un d’entre eux, petit bonhomme d’à peine quatre ans avait découvert d’étranges signes cabalistiques sur la photographie, elle lui avait appris à lire et puis à compter aussi. Ce tout petit bonhomme subjugué par ses boucles blanches, son attention de tous les instants et ses airs de princesse de conte de fée, lui vouait une admiration infinie. Elle avait suscité chez lui une soif d’apprendre et de découvrir. Elle l’avait  accompagné jusqu’au bout parce qu’une relation d’une tendresse très profonde unissait les deux êtres et qu’elle en percevait les bienfaits.

Elle ne s’était pourtant pas débarrassée du mal qui la rongeait, le serpent mordait ses entrailles chaque jour un peu plus. On l’a conduite à l’hôpital ; elle ne pouvait plus retenir ses gémissements et même pas partager sa souffrance. Elle qui n’avait pas été épargnée par la vie avait dépensé ses dernières forces pour que ses petits enfants lisent dans ses yeux le dernier remerciement qu’elle leur adressait d’avoir adoucit son calvaire. Les petites mains qui disparaissaient dans la sienne avaient grandi : l’amour n’est pas morte. 

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