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- ÉpuiséEpuisé, désolé
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La Mièua Terra
( Robert Marie MERCIER)
Avia lou goust de la mar,
Una mar douça e calma,
Una mar tant ric d’istoria e de courtura
que empregna li grava,
Qu’aquelu que si bagnon.
En tiron lur raïs.
Aqui minga maraia !
Tout es serenità.

Poème Afar
Je t’imagine sur ton chameau, à traverser le désert,
en relisant mon poème dans ta tête.
Quelquefois tu rêves aussi de lui la nuit.
Mais qui est-il cet homme du bout du monde? Toi seule le sait!
C’est dans ta fichue tête que tout se passe, le réel pour toi n’est qu’une
bien triste réalité, tu veux le fuir à tout prix.

Liliane Rosati
C’est une ville étrange, un endroit mystérieux,
Aux souvenirs meurtris, au passé peu glorieux.
Marquée par des années de larmes silencieuses,
Elle nous offre aujourd’hui sa beauté douloureuse.
C’est une ville étrange, un lieu inoubliable,
Un grand livre d’histoire, étape incontournable,
Pour ne rien oublier des erreurs du passé
Et surtout ne jamais… jamais recommencer.

Léopold Sédar Senghor
Voici que décline la lune lasse vers son lit de mer étale
Voici que s’assoupissent les éclats de rire, que les conteurs
eux-mêmes
Dodelinent de la tête comme l’enfant sur le dos de sa mère
Voici que les pieds des danseurs s’alourdissent, que s’alourdit la langue
des chœurs alternés.

AL-ZUBAYRÎ (Muhammad Mahmûd). Thawrat al-shi’r. Le Caire, 1962.
Nous avons refusé de vivre dans une nation
Foulée aux pieds par ses maîtres
Et nous sommes partis pour échapper à la bassesse
Fuyant la honte
Et combien de serpents rampaient autour de nous
Mais nous avons échappé à leur morsure.
Ludo avait pris une mauvaise décision. Il aurait voulu la retenir et continuer de partager la passion. Il n’avait pas saisi cette exhortation, cachée dans une expression pleine de retenue, à la rejoindre en Chine ; il ne l’avait pas compris, ou bien l’entreprise était-elle au-dessus de ses moyens. Que ne s’était-il précipité à l’aéroport pour l’empêcher de partir ? Il aurait su trouver les mots que son cœur lui soufflerait. Au lieu de tout cela, sa lâcheté l’avait conduit à accepter, à ne rien mériter d’elle, à préférer son confort et son égo. Il était resté au pied de l’escalier.
La mauvaise décision c’est ce qu’il se répétait tous les jours. Il avait passé le premier jour sans elle à boire à la terrasse d’un café. Il s’était couché ivre mort dans le caniveau et ne l’avait plus quitté. Exclu de son cercle d’amis, exclu de son IEP, exclu du monde ; il croyait qu’il pouvait se punir de n’avoir pu sauver le seul véritable emballement qui avait illuminé sa vie. Il trouvait des justifications dans les verres d’alcool ; il en était arrivé aux bouteilles qu’il tétait avidement ; le liquide précieux était le moteur principal de sa vie. Pour attirer la compassion, il avait tenté plusieurs fois de se suicider ; même sa famille ne supportait plus ses séjours à l’hôpital. Il était celui qui croit avoir vécu et pouvoir passer le reste de son temps à provoquer la mort. Il ne sait rien d’elle, l’imbécile, mais il dit qu’elle sera moins dure que la douleur. Sa condition le poursuit chaque nuit jusqu’à ce rêve étrange mettant en scène sa bouteille :
elle est là, présente et l’entoure d’un voile hypnotique. Il est assis à sa table de travail les yeux fixés sur une feuille de papier virtuelle. La garce lui prodigue des caresses animales. Nue, lascive, elle l’entoure de ses bras menus et quand il veut la posséder, elle se dérobe en riant. Il la supplie et quand il peut la tenir, l’étrangler de ses pauvres mains, elle s’évanouit comme le filet d’eau dans le sable de la dune. Il sait qu’il doit arracher la chape qui l’enserre, mais elle s’empare d’un repli de son âme et réapparait. La voilà, plus puissante encore, qui occupe la place. La bête se délecte de ses neurones, se repait de ses souvenirs. Il crie qu’elle le libère, qu’elle cesse cette débauche maléfique. Mais l’autre mène grand train et la supplique n’a pour effet que d’augmenter la souffrance et l’emprise. Abruti de douleur, pantin désarticulé, vidé de sa substance, épuisé, il s’abandonne à sa maitresse.
La mort le réveille, elle est en colère.
– Vous n’avez pas le droit de décider de terminer votre vie. J’ai ce droit. Votre terme n’est pas échu.Pauvre cellule familiale, tu ne résistes pas aux charmes de cette époque où l’on gère pour toi la sécurité de l’emploi, la sécurité sociale et la retraite. Ton existence est mise en danger parce que la solidarité dans la famille fait place à l’expression permanente de l’intérêt personnel. C’est la loi qui te protège qui te prive de tes bons offices au profit de l’harmonie que chacun recherche pour lui même. Ce n’est pas nouveau, l’idée que l’on se fait de sa place dans la société évolue en même temps que la vague de textes protecteurs qui déferle sans précaution sur ta communauté. La raison et l’administration tentent de remplacer l’amour. Eclatante indécence que cette hécatombe que subissent nos ainées lorsque la grippe ou la canicule font leur apparition. «Nos Vieux » ont le droit à notre reconnaissance et à nos soins.
Cette vielle dame du vingtième siècle les avait elle reçu de son mérite? La guerre l’avait privée de son mari. Elle, une poliomyélite que l’on ne soignait pas à l’époque, l’avait privée de ses jambes et un peu plus.
Son bel officier français en grand uniforme de l’armée coloniale était parti pour assainir les marais infestés de moustiques, d’une région d’Afrique du Nord, avec la compagnie qu’il commandait, au nom de cette solidarité qu’aujourd’hui on foule aux pieds parce que la terre appartient aux peuples, pas à la France. Il n’en était pas revenu, mort de la fièvre des marais (malaria) et de l’illusion d’avoir servi sa patrie et peut être les amis qu’il s’était fait là bas. Elle, son infirmité l’avait rendue dépendante de sa fille. Elles avaient, toutes les deux traversé une autre guerre, tapies dans des abris ou au service obligatoire de l’envahisseur dans la maison de la famille.
Sa fille unique avait épousé un brave homme qui avait accepté de s’occuper de sa belle mère. Le couple avait fait de beaux enfants.
Cette belle et grande dame immobile percevait trop bien la charge qu’elle représentait pour sa famille qui lui reprochait doucement d’être responsable d’une vie bien terne. Les années folles, les siens ne les avaient pas vécues. La dame aux cheveux blancs portait son infirmité et ses peines avec dignité et retenue. Son seul bien était une photographie de son mari en grand uniforme, à cheval. Elle avait perdu ses jambes, une grande partie de sa vie mais pas son cœur.
Comme pour alléger le poids d’une culpabilité qui tordait son ventre, elle distribuait, à ces petits enfants, la bonté et l’amour parce que sa vie en dépendait. Lorsque l’un d’entre eux, petit bonhomme d’à peine quatre ans avait découvert d’étranges signes cabalistiques sur la photographie, elle lui avait appris à lire et puis à compter aussi. Ce tout petit bonhomme subjugué par ses boucles blanches, son attention de tous les instants et ses airs de princesse de conte de fée, lui vouait une admiration infinie. Elle avait suscité chez lui une soif d’apprendre et de découvrir. Elle l’avait accompagné jusqu’au bout parce qu’une relation d’une tendresse très profonde unissait les deux êtres et qu’elle en percevait les bienfaits.
Elle ne s’était pourtant pas débarrassée du mal qui la rongeait, le serpent mordait ses entrailles chaque jour un peu plus. On l’a conduite à l’hôpital ; elle ne pouvait plus retenir ses gémissements et même pas partager sa souffrance. Elle qui n’avait pas été épargnée par la vie avait dépensé ses dernières forces pour que ses petits enfants lisent dans ses yeux le dernier remerciement qu’elle leur adressait d’avoir adoucit son calvaire. Les petites mains qui disparaissaient dans la sienne avaient grandi : l’amour n’est pas morte.