Mauvaise manière

Depuis 3 ans, la guerre en Ukraine occupe les médias et le petit monde du paysage audiovisuel qu’ils aimeraient gouverner. Pourtant, ce n’est pas ce que l’on attend du quatrième pouvoir. Le conflit fournit à de jeunes gens bien sous tout rapport la possibilité de variations à l’infini sur les stratégies des grands de ce monde. Pour cela, coqs déplumés ou minois d’anges disposent d’une foule d’experts en tout, et particulièrement en politique et en manœuvres tactiques militaires.

Chaque jour, la situation se clarifie, juste avant qu’un expert n’affirme exactement le contraire. Les chaînes d’info déroulent le conflit, aux heures d’info continu comme une série Netflix : saisons à rallonge, rebondissements prévisibles, cliffhangers.

On dit que les États-Unis tiennent les rênes, que la Russie mène la danse, et que l’Europe est un acteur décisif. Les uns fournissent des armes, des armées, d’autres des armes et des mots. Les complexes militaro-économiques, comme les nommait le bon président Eisenhower, sont sollicités à n’en plus pouvoir.

Il y aurait bien un autre acteur, l’Ukraine : après tout, c’est sur son territoire que se déroulent les massacres. Selon le cas, c’est une noble victime héroïque, ou bien ses dirigeants sont des pantins à la solde de leurs protecteurs. Pas de panique : les deux versions se tiennent, puisqu’on les sert à cinq minutes d’intervalle.

L’Ukraine n’appartenant pas encore au monde occidental et la Fédération de Russie n’ayant aucune intention de le rejoindre, on se moque éperdument du nombre de morts sur le théâtre des opérations. Presque un million de victimes depuis le début du conflit : pas de quoi susciter le courroux de nos chefs de guerre et l’énervement des médias occidentaux. De toute façon, les victimes ne servent que de statistiques utiles pour meubler les débats. C’était déjà le cas pour les dizaines de millions de victimes du communisme.

La France, qui a une conscience des risques que génère l’attitude du président russe, souhaite que l’Europe se prépare à résister à l’envahisseur. L’OTAN aurait dû assurer cette fonction : protéger l’Occident. Mais, les bailleurs de fonds américains ont tari la source. L’organisation ne serait donc plus qu’une coquille vide, disent les Européens et les Anglais, pour une fois d’accord entre eux. Il ne reste que quelques figures étoilées qui pensent encore s’opposer aux menaces que l’adhésion de l’Ukraine à l’Union européenne exerce sur le bloc russe.

Voilà la magie du discours médiatique : chaque phrase est tranchée, définitive, incontestable, jusqu’à la suivante.

Loin des plateaux où s’entrechoquent les certitudes, la guerre en Ukraine est moins un feuilleton télévisé, qu’une mécanique bien huilée, conséquence d’intérêts américains et russes bien pesés.

Yalta 1945, Staline sort grand vainqueur de la conférence en Crimée. Roosevelt, en échange du soutien soviétique pour terminer rapidement la guerre dans le Pacifique, concède à Staline la suprématie du bloc soviétique sur l’Europe de l’Est.

Le président américain comprend que l’influence des États-Unis dans le monde passe par le contrôle de la manne pétrolière. Il veut également s’assurer de la sécurité des communautés juives, en vue de la création d’un état israélien. Il embarque sur le cuirassé Quincy et rencontre notamment le roi Saoud d’Arabie Saoudite, à qui il garantit la sécurité du royaume. Les deux présidents suivants, Truman et Eisenhower, installent l’influence des États-Unis sur le monde.

Cette politique se poursuit jusqu’à l’arrivée du président Trump. Celui-ci préfère un engagement diplomatique avec Poutine à un conflit armé. Il ne croit plus à l’OTAN, il le claironne, dont il assure à lui seul ou presque le financement.

Berlin 1989, Poutine, agent du KGB en poste à Dresde, assiste impuissant à la chute du mur. Président, il dira que cet événement a marqué la fin de l’influence soviétique en Europe centrale et orientale et que ce fut une catastrophe géopolitique. Aujourd’hui, il ne cache pas qu’il ne tolérera pas l’entrée de l’Ukraine dans l’OTAN et dans l’Union européenne. Sa stratégie, selon le Kremlin, consiste à soutenir des gouvernements pro-russes afin de restaurer une zone d’influence sans déclencher de conflits majeurs.

Les risques demeurent faibles pour la Russie, mais génèrent des tensions durables avec l’Occident. Pourquoi irait-il en Ukraine et provoquerait-il la colère du monde occidental ? Il n’a besoin que de zones tampon pour protéger les frontières de son pays. Il annexe la Crimée, envahit les territoires pro-russes du Donbass, une large partie du Zaporizhzhia et du Kherson. Il dit ce qu’il fait et fait ce qu’il dit.

Minsk septembre 2014, grâce la médiation franco-allemande, un accord est signé par l’Ukraine, la Russie, les séparatistes du Donbass et l’OSCE. Français et allemand se félicitent d’une solution diplomatique qui interrompt les massacres de part et d’autre dans le Donbass. L’accord est si bancal que sur le terrain, les parties ne le respectent pas. L’Europe a tendu sa main, croyant que les mots retiennent les armes.

La Russie ne respecte que ce qui sert son ombre. L’illusion cède au temps, et la force devient la seule mesure parce que les Ukrainiens continuent de persécuter les communautés pro-russes.

Voilà la magie du discours diplomatique: un accord qui cesse partiellement le feu , mais prépare la guerre d’un peu plus tard. Les Européens ne pardonnent pas à la Fédération de Russie d’avoir semé des leurres dans les trous de son nez.

Tandis que les médias se repaissent de caricatures, Trump le bouffon, Poutine le Tsar moderne, l’intelligence des deux hommes affaiblit l’Europe. Le pétrole américain se vend à prix d’or tandis que l’huile et le gaz russe alimentent la croissance chinoise.

Comment a-t-on pu gâcher de si étroites et historiques relations ? Talleyrand, le diable boiteux, le diplomate qui voua sa vie à replacer la France au cœur de l’échiquier européen, doit se retourner dans sa tombe. Musset reprocherait-il à Voltaire d’avoir scellé avec la Russie des liens autrement plus fort que le bruit des bottes?

Dors-tu content, Voltaire, et ton hideux sourire Voltige-t-il encore sur tes os décharnés ?
Philippe Herbaut — septembre 2025.
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Théorie de la coquille

Le souffle de créativité qui animait nos ancêtres bute contre le mur des cons, des veaux et récemment des beaufs chers au cœur du comédien François Cluzet. À quelle catégorie de Français peut-il bien appartenir ?

Une foule d’adjectifs qualificatifs et attributs viennent consacrer l’état d’abrutissement dans lequel nous enferme l’intelligentsia de gauche. Ces braves gens soucieux de la santé mentale de nos concitoyens peuvent être remerciés. Ils rêvaient de grandes évolutions sociales, de vivre ensemble, de laïcité, nous voilà aux portes de l’enfer. On ne peut pas les blâmer : ils n’avaient pas d’obligations de résultats ou de moyens. Notre jugement devra porter moins sur leurs actes que sur leurs intentions, essayer de comprendre, éviter de s’enfoncer dans la jungle de leurs contradictions. Pour un peu on effacerait « intelligentsia » du dictionnaire, d’autant que terme « de gauche » n’est pas nécessaire. L’expression appliquée à la droite ferait rire ou grincer ceux qui ont pour toute ambition de nous apprendre à vivre. Elle est à la fois universelle et tautologique et surtout, on ne différentie pas très bien la différence entre une politique de gauche ou de droite.

Nous sommes en France. La perfection, le monopole du cœur et la raison à tout prix nous viennent en droite ligne du siècle des Lumières. Nous avons changé de siècle et perdu la lumière qui éclairait tantôt Liberté, Égalité, fraternité. Un coup de génie des démocrates militants et nous voilà de l’autre côté du mur pour légalité, diversité, communauté.

Pourtant nous avions fait confiance à nos élites. Ils voulaient nous transporter au-delà de l’horizon et emportaient notre adhésion. Ils ont fait trop bon accueil aux marchands. Les libéraux, parce que le mot marchand n’est pas à la mode, pour mieux piéger leur proie utilisent des méthodes qui font recette. Catalogué, claquemuré dans une réalité virtuelle ou dans une communauté, l’individu est vidé de sa substance et sacrifié sur l’autel de la consommation.

Les biens de son monde sont matériels ou spirituels. Noyé dans sa coquille de noix, il se prend pour le roi du monde. Il est nourri de smartphones de berlines allemandes, de hamburgers en carton et de spiritualité distillée par son parti, sa religion, le Grand-Orient ou son think tank préféré. Il est prêt à défendre bec et ongles sa coquille. Oublié la nation et sa devise si prometteuse, chacun pour la communauté, l’état fera le reste.

Le rôle de l’État de ce côté du mur est bien malaisé : concilier des milliers de coquilles qui communiquent à peine entre-elles. Elles ont deux points communs cependant : chacune promeut des règles qui lui sont propres, chacune se compose d’électeurs. L’importance que l’État providence lui accorde est liée à la quantité d’individus qui la composent ou de la quantité de désordre qu’elle est capable de produire ou bien encore de paramètres liés à l’étonnante habileté dont font preuve nos  dirigeants. On peut rayer les mentions inutiles ou bien cocher toutes les cases.

Cette comédie sociale ne produit rien. Tous les gouvernements ont essuyé des échecs cuisants : la réforme de la SNCF, le régime de retraite universel, la reconstruction de l’Europe si petitement construite, en bref la réparation illusoire du pays. La note est salée à la fin des mandats. Les suivants ne feront pas mieux sans briser le mur qu’ils ont eux-mêmes bâti.

 L’ennui est que l’égalité est dans la coquille ainsi que la fraternité et l’enfermement. On peut y entrer simplement ; la sortie est plus difficile. Elle consacre la réussite d’un système (libéral ou ultralibéral) reconstruit de l’échec du marxisme, amputé de valeurs et de principes moraux.

Le très beau texte du manifeste du parti communiste a cessé de faire illusion. Mais, on ne peut pas dire le mal, car l’exclusivité du bien appartient à la communauté.

La coquille est comme un objet informatique. Elle a des propriétés, des méthodes. C’est un conteneur autonome qui contient des informations et concerne un sujet, manipulé dans un programme. Le sujet est souvent quelque chose de tangible appartenant au monde réel. Des boites de pandore que l’on ne se risque pas à ouvrir constituent le tissu de nos sociétés nouvelles. On peut sans coup férir, créer ou tuer, encenser ou abattre, enseigner ou décapiter tout en gardant raison et vertu pourvu que l’on achète le dernier smartphone. Un fardeau de lois, de règles et règlements, un pacte avec ses yeux de ne jamais regarder le concret, des cours de philosophie utilitariste à des imbéciles bêlants cimentent le mur de coquilles. Qui pourrait en questionner l’existence, sans être merveilleux : juste nécessaire ?

Philippe Herbaut le 03/11/2020

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Leçon d’Histoire

Nous sommes en guerre le 22 aout 1944, malgré le débarquement des alliés le 6 juin. Des milliers de morts jonchent encore le sol français. L’armée allemande recule, appuyée par les chars des divisions Panzer SS. La Résistance française harcèle les convois. Les nazis sèment la terreur sur le chemin de la honte, celui d’une défaite annoncée. Ils ont trouvé une méthode très efficace pour tenter d’endiguer des actes qu’ils considèrent comme terroristes. Il suffit d’enfermer autant d’habitants que possible dans une église et d’y mettre le feu. Oradour-sur-Glane en est témoin, mais aussi Distomo en Grèce, Marzabotto en Italie. Déjà testée sur le front soviétique, cela fonctionne très bien.

Ce jour-là, un jeune officier allemand, regard bleu acier, uniforme noir impeccable décide d’étancher sa soif de sang. Il veut punir le village d’Aillant-sur-Milleron qu’il tient pour responsable de la mort d’un de ses hommes. Deux individus sont arrêtés. Aubaine, ils viennent juste de s’échapper des camps de travail allemand. Ils se rendaient dans une ferme pour proposer leurs bras et leur compétence de puisatier. Le hasard met fin à leur courte vie. Maurice, trente-neuf ans, François, vingt-six ans sont fusillés sur place. Les corps sont recouverts de fourrage. L’officier n’en a pas fini avec Aillant. Il contraint les habitants du village à s’entasser dans l’église minée au préalable. La mairie, l’école et plusieurs maisons du village sont incendiées. Marcel, grand blessé de guerre et Jean, ancien Maire sont fusillés au pied d’un arbre. Il est probable que les 2 amis ont compris que les SS vont mettre le feu, faire sauter le bâtiment et que le drame d’Oradour se reproduira. Dans l’église, il y a une partie de leur famille, des amis et tous ont été ses administrés. Ils tentent de convaincre l’officier allemand de ne pas sacrifier la population. Le nazi n’est pas prêt à lâcher sa vengeance, alors les deux hommes offrent leur vie, il accepte. Le lendemain, il ouvre les portes de l’église.

Histoire dramatique d’un concours de circonstances et d’un sacrifice ? Nombreux sont les villages français qui ont payé cher le prix de la barbarie nazie. Nul doute que les élus locaux organisent des commémorations. Des héros méconnus sont célébrés, des fleurs accompagnent le recueillement de leur famille et des amis qui sont encore en vie. Leur souvenir s’estompe. Les atrocités ne résistent au temps que si l’on se souvient. Mais pourquoi se souvenir ?

Cette question ne se pose pas à Aillant-sur-Milleron. Madame la Maire de la commune croit indéfectiblement au devoir de mémoire. Elle organise chaque année une cérémonie de haute tenue ou l’on rend aux 4 victimes l’hommage qu’ils méritent et les remerciements de la patrie. Cette année, la Marseillaise et le chant des partisans interprétés à capella par un baryton de classe internationale en témoignent.

Madame la Maire ! Votre talent, loin des lumières de Versailles est de donner du sens aux souffrances endurées, de proposer un monde plus humain, de ne jamais permettre que la barbarie l’emporte, de montrer enfin que l’avenir se construit aussi dans le passé.

Une très belle leçon que devraient recevoir nombre d’élus de la République.

Ph. Herbaut le 22 aout 2020.

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Réconciliation des mémoires

Quand on traque le passé avec l’ordinaire du présent, on occulte le feu d’idées qui agite le temps qui les sépare. Qui donc se ferait le champion d’une telle vilenie : les roitelets Talleyrand de sous-préfecture, les coqs et poules déplumés du petit écran, les influenceurs et intégristes des réseaux sociaux ; celles et ceux qui trahissent l’Histoire de leurs soupes bonimenteuses ?

La paresse, le buzz et le scoop règnent sur le temps, les sciences de l’esprit perdent pied devant l’art du communicant et le bon sens populaire des communautés. Ils font résolument illusion, car la vérité n’est qu’une circonstance de ce que l’on donne à croire. Tout cela sème le trouble et la confusion justifie l’ignorance, le consensus mou et pour l’honnête homme de se tromper en toute confiance.

Notre président qui fit campagne sur de grands principes et des promesses qu’il entend tenir nous offre une possibilité de permettre à l’Histoire d’être enseignées avec lucidité (sic). E. Macron, candidat avait défrayé la chronique lors de son voyage en Algérie. Le chef de l’État persiste et signe. La « réconciliation des mémoires » est indispensable afin que colonisation positive ou le crime contre l’humanité cessent d’empoisonner les relations franco-algériennes.

Quelles réalités appellent les soins du Président ? Environ quatre millions de Français dont parents ou grands-parents sont originaires d’Algérie, de binationaux ou d’Algériens résidents. Ils ont tous de l’histoire de France une vision différente des manuels scolaires que distribue l’éducation nationale. Ils sont totalement intégrés ou encouragent le clivage des communautés et la réaction violente à l’oppression qu’exercerait la République.

Chômage, violence, insécurité, drogue font de certaines de nos banlieues le miroir des townships sud-africains. Les principes républicains sont réfutés au nom du droit que l’on s’accorde de se venger de ce que l’occupant colonialiste infligeât à la famille. Comment pourrait-on qualifier de zone de non-droit ces espaces réservés par la République elle-même, où l’on accepte que lois et usages soient décidés par la communauté ou la religion et non par le système législatif du pays d’accueil ?

Qui sont les missionnaires de la réconciliation des deux peuples ? Un historien français incontournable, né à Constantine, professeur d’université en France et à l’étranger, auteur d’une quarantaine d’ouvrages sur l’histoire de la guerre d’Algérie, de la décolonisation et des juifs au Maghreb. Un historien algérien, conseiller auprès de la présidence de la république, directeur général des archives nationales, ancien combattant de la guerre d’indépendance. Ardent défenseur de l’identité nationale, il s’attend pour le moins aux excuses de la France, au rapatriement des martyrs algériens, et à récupérer les dossiers des disparus de la guerre d’indépendance et celui des victimes des essais nucléaires français dans le Sahara.

Trouver une vérité commune promet d’être compliqué d’autant qu’un journaliste au Figaro et un philosophe de talent n’ont pas pour l’initiative française les yeux de Chimène. Le premier conteste l’impartialité du Français, le second affirme que la lecture de la guerre d’Algérie est difforme. La partie algérienne masquerait l’exploitation de son propre peuple en pointant du doigt la responsabilité et la culpabilité de la France. L’Algérien se dit représentant de son pays, le Français s’en défend pour prouver aux penseurs de pacotille sa totale indépendance. Quelles essences discordantes se dévoilent donc ici ?

Nous y sommes, l’heure du choix inutile est arrivée. Comme personne ne peut être totalement impartial, l’initiative relève moins de la chose publique que de la manipulation politique ou de l’égarement selon que l’on a voté pour ou contre l’élu du moment.

Au secours ! La faute primordiale ne faisant plus recette on a trouvé beaucoup mieux. Le passé devient une somme d’occasions de culpabilité. Contester les actes de nos ainées est plus simple que de se projeter au-delà de l’horizon. C’est nécessaire, mais largement insuffisant.


Ph. Herbaut. Le 02 aout 2020
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Un train peut cacher un avion

Prenez l’avion sur un trajet domestique, demandez plutôt à la SNCF !

Prenez l’avion, vous êtes responsable du réchauffement climatique.

Prenez l’avion, demandez à nos amis suédois, le « flygskam », littéralement la honte de prendre l’avion doit vous décourager.

De quoi marcher sur la tête ou faire rougir le Lindbergh de Charlebois?

Et bien, pas du tout ! Tout cela fait est parfaitement orchestré par le propriétaire de la SNCF ; c’est-à-dire l’État. Comprenons-le, il a le souci de l’argent public bien utilisé. Le soutien à coup de dizaines de milliards d’euros de son entreprise la plus turbulente commence à faire tache ; pas seulement à Bruxelles. Les gouvernements précédents avaient réussi à cacher la dette abyssale de l’entreprise en la reprenant sans la reprendre grâce à des montages financiers dont seuls les gourous de l’ENA pouvaient comprendre la beauté. Un objet financier non identifié, disait-on.

Aujourd’hui, l’heure est à la transparence et les 45 milliards dont il s’agit ne peuvent plus échapper à l’œil de l’usager comme à la Cour des comptes. La SNCF, fleuron de nos entreprises se devait de faire peau neuve.

C’est fait depuis le 1er janvier 2020. Elle devient une société anonyme à capitaux publics. Le groupe et ses filiales, il y en a six sont assujetties au droit des sociétés. Voilà un nouveau tour de passepasse qui permet aux opérationnelles de sortir la majeure partie de la dette de leur bilan, de recourir à l’investissement, et d’envisager la rentabilité. Il y en a pour 45 milliards d’euros affectés à la société mère dont l’État possède bien entendu 100 % du capital.

Reste à faire fonctionner le système. On s’attaque à la concurrence pour assurer la recette ! Les ministres de l’Économie et de la Transition écologique décident que les trajets de moins de 2 h 30 seront réservés aux trains. Les compagnies aériennes devront s’adapter et notamment Air France à qui l’on demande de repenser son réseau domestique. Un vrai faux cadeau de sept milliards pour mettre de l’huile dans les rouages d’un autre fleuron tout aussi turbulent. Tant d’argent dans des caisses vides ? Bruxelles, le recours à l’impôt ou l’emprunt devraient y pourvoir.

Il n’y a pas si longtemps, Air France déclarait qu’elle n’avait rien à craindre des « low-cost ». Le vrai concurrent est la SNCF, selon son président de l’époque. Pas d’erreur stratégique, on ne lui aurait pas permis de s’opposer au géant du rail. Ironie du sort, c’est le même président qui conseillera, en 2018, le Premier ministre au chevet du transport ferroviaire dans une situation préoccupante.

Covid-19 a la réputation bien établie de tuer les hommes et leurs entreprises. La casse sociale est au rendez-vous de la reprise. Le dialogue dont le dirigeant à la moustache syndicale pensée est le chantre n’a pas fini de subir toutes sortes de remous chers aux consommateurs français. À moins que le discours de nos dirigeants s’oriente vers le développement plutôt que la régression.

Ph Herbaut — le 2 juin 2020.

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Un plan intelligent?

La crise est installée. La lutte contre la pandémie l’est également. Le combat contre le fléau est une affaire de médecins, d’économistes, d’écologistes… Il n’est pas nécessaire de citer tous ces acteurs, car l’ensemble des forces vives de la nation est concerné. Pourtant, ce n’est pas l’avis des députés de l’opposition qui avaient envoyé leurs meilleurs orateurs pour conspuer le Premier ministre. La stratégie qu’il présentait devant l’assemblée ne devait pas faire l’objet d’un vote.

Sur l’insistance des partis, relayée par les médias, un scrutin est organisé. Cinq heures de débats pour approuver le plan du gouvernement. Le spectacle consternant d’élus de l’opposition préoccupés par les bons mots, les attaques ad hominem et l’obsession d’en découdre n’a convaincu qu’un tiers des députés. Ceux-là ont refusé ce plan, espérant qu’ils en tireraient des avantages politiques. Ils ont fait un pacte avec leurs yeux — c’est-à-dire avec les médias — de ne jamais laisser l’action gouvernementale emporter leurs convictions partisanes. À la réflexion et la lecture attentive, ils ont préféré arrêter leurs pensées. On ne leur reprochera jamais de faire des erreurs puisque leur engagement et leurs propositions pour la question du Corona sont inexistants.

Or le génie de ce plan est de confier sa réalisation aux maires, à leurs administrés, aux présidents de régions et aux préfets. Pour la première fois depuis bien des années on décolonise la province, selon l’expression de Michel Rocard reprise par Michel Onfray. Tout ce petit monde — qualifié tantôt d’insignifiante bourgeoisie provinciale — a cessé de produire des Talleyrand de sous-préfecture. Elle s’est mise au travail dès le premier jour avec le succès que l’on connait. Coordonner l’ensemble de ses initiatives paraissait nécessaire. L’État joue pleinement son rôle fédérateur et donne à ceux du terrain le cadre indispensable à leurs actions.

Le covid-19 a rapproché Jacobins et Girondins, il risque de s’en mordre la couronne. Son influence diminue là où des femmes et des hommes de qualité ont pris les mesures à l’écart des lumières de Versailles. On voit s’éloigner les scénarios dystopiques que goutent particulièrement les chaines d’informations. Corona n’atteindra pas les 50 millions de morts : les Girondins sont au chevet des malades, les jacobins donnent des outils efficaces pour que le décès des uns ne cède pas la place à la misère programmée des autres.

Le discours du Premier ministre semble introduire de la vertu dans le monde politique. Angélisme ou surprenante posture, il faudrait que l’après-Corona démontre qu’il est temps d’offrir au libéralisme des lettres de noblesse. Cela fera tache sur cette toile qu’une constitution écrite pour et par les hommes de pouvoir a tissée sur fond de démocratie représentative. Une crise de cette ampleur ne peut laisser intactes les structures de gouvernance françaises et européennes.

Philippe Herbaut, le 1er mai 2020

 

 

 

 

 
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Une pensée pour l’Afrique

Je chantais et dansais, ne vous déplaise. L’amour et l’eau fraiche suffisaient à vivre. L’amour, surtout, car l’eau venait à se faire rare et, vous allez rire, en Afrique, ils n’avaient même pas d’eau.

« Foin des délices de Capoue, 
Corona crie partout, 
vains dieux 
restez couchés,
l’oxygène va manquer. » 

Les griots et laudateurs vendant leur talent à septentrion ont abandonné le tronc des baobabs pour les lueurs de la cité. Les airs joyeux de la banlieue d’Asmara, de Djouba, de Bamako ou de Lagos se sont éteints sur les frêles esquifs naviguant sur les eaux bleues de la méditerranée. Ceux qui sont restés ne tarderont pas à faire entendre leur voix lorsque le covid-19 cessera d’épargner le continent.

Le Nigéria et ses 200 millions d’habitants devront faire face. Véritable éponge à pétrole dans le delta du Niger, le pays s’est beaucoup équipé en matériels de forage. L’Organisation mondiale de la Santé fait savoir quel euphémisme, que les systèmes de santé en Afrique sont mal équipés pour affronter l’épidémie. Selon le Secrétaire général de l’Organisation des Nations unies, la propagation du virus pourrait conduire à des millions de morts. Fort à propos, la Chine, principal partenaire commercial de l’Afrique, dépêche ses experts, là où l’or noir coule à flots. Elle multiplie les dons d’équipements médicaux comme pour tisser les liens de soie qui bornent ses relations avec le continent.

Les risques sont évalués, l’inquiétude est grande, la réalité est bien différente. Africa News publie au 10 avril ses statistiques. Pour 10 247 cas recensés, on déplore le décès de 522 personnes. La malaria (c’est a dire le, paludisme) en tue 400 000 par an. On peut évidemment contester ces statistiques ou bien se demander pourquoi le covid-19 ne se répand que très lentement. Les experts ne le savent pas si l’on en croit un article récent du quotidien 0uest France confirmé par RFI. Nul doute que les chercheurs se concentrent sur cette singularité. Les symptômes du paludisme ne sont pas ceux du Corona. Les molécules dont on connait bien le nom à présent (quinine, chloroquine, méfloquine) soignent le premier avec efficacité, on s’inquiète de leurs effets secondaires pour le second. Quelle essence dissonante se révèle donc ici ? La France serait-elle frileuse d’absorber les médicaments qu’elle fabrique pour l’Afrique ? Il n’y a pas de paludisme endémique en France, du moins pas encore. Il n’est pas contagieux. Le moustique français ne ressemble pas à l’anophèle porteur de la fièvre des marais.

Chez nous, le confinement s’impose, chez eux, c’est un luxe qu’ils ne peuvent se permettre.

Philippe Herbaut – Le 12 avril 2020

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Économie vs Mort

Sauver des vies, le plus possible de vies, c’est l’objectif des médecins et des personnels soignants. Ils sont applaudis chaque soir à 20 h dans toute la France. Partout sur la planète, les gouvernements ont étudié deux scénarios et leurs variantes.

Le premier Scénario est de ne rien faire. C’est le cas des USA de la Grande-Bretagne et des Pays-Bas notamment. Le Premier ministre Boris Johnson malheureusement pris à son propre jeu est en réanimation dans un hôpital de Londres. Cela a été le cas en France au tout début de l’épidémie en France. 530 000, c’est le nombre de morts estimé par l’Impérial Collège de Londres pour la France.

Le deuxième scénario consiste à confiner la population et partant accepter la récession. Ce scénario ramènera le nombre de décès à 20 ou 30 000 au mieux. Pour cela, on a besoin il faut d’une discipline de fer, mais on sait combien les Français sont rebelles et indisciplinés La France mettra des années à se remettre d’une baisse des activités économiques de l’ordre de 50 %. Dans les deux cas, la pression de la rue est très forte, car aucun de ces scénarios n’est évidemment acceptable. Le gouvernement cherche donc la reprise des activités économiques au plus tôt. Une variante qui ne laisserait pas ses partenaires européens renaitre des cendres de l’économie française. Il a bien d’éminents conseillers. Des solutions clefs en main pour Paris pour qui sa Mairesse à un plan de dé-confinement en dix points. Des plans de grande qualité décrits par les experts internationaux invités des grands médias. Pour simuler toutes ces propositions, il faut un peu de temps. Nul doute que gouvernement y travaille, même s’il est choquant de parler Économie quand le monde meurt à vos pieds.

Quelle que soit la solution, elle devra être ambitieuse, donner une idée vraie du travail accompli et des résultats obtenus et anticipés. Pour résoudre la crise, il faut emporter la conviction des Français que les élus sont au service du peuple et non des lobbys industriels. Le peuple doit être derrière ses gouvernants, encourager l’union nationale. Le discours politique est supporté par une communication exemplaire. Comme ce n’est pas non plus le point fort du gouvernement, il faut s’attendre aux piaillements des moustachus d’extrême gauche ravis d’avoir une tribune qui leur assure une longévité inespérée.

Depuis le mois de janvier, nous avons successivement traversé une phase d’observation, puis une phase de confinement, nous en sommes à envisager des solutions qui ne tuent pas à petit feu l’économie du pays. Pourtant ces trois phases vertueuses sont comprises, comme tâtonnements, errements, incompétence. C’est probablement vrai.

Le président américain n’a pas ce genre de préoccupation. Il se rapporte aux chiffres fournis par ses experts. La récession couterait trop cher à la collectivité. Il demande la poursuite des activités économiques dans le cadre d’une protection optimale. Les Chinois qui ont été les premiers frappés par le covi-19 adoptent la même politique. Il faudra attendre encore un peu pour que le président de la Fédération de Russie se prononce.

Ph Herbaut, le 9 avril 2020

 

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Covid-19

700 000 cas de Coronavirus Covid-19 sont recensés dans le monde au 29 mars 2020. Le virus a causé la mort de 31 000 personnes. Son taux de mortalité est donc de 4,5%. Ces chiffres sont mis à jour par the center for systems science and engineering de la très prestigieuse université John Hopkins de Baltimore Maryland. Pour mémoire, la grippe saisonnière tue 1% de ceux qui en sont atteints. Comparée à l’Allemagne, la France a beaucoup moins de cas recensés, mais le taux de mortalité est plus important. Il s’agit d’une statistique qu’il faut donc traiter avec beaucoup de prudence, mais nos beaux esprits ne l’entendent pas ainsi. Ils tirent des conclusions immédiates quant à l’efficacité de la politique du gouvernement français en matière de gestion de la crise.

Responsable, mais pas coupable, en l’occurrence cette formule ne devrait pas faire recette, car résoudre la crise, c’est mettre en œuvre des solutions viables et durables. Le gouvernement dit qu’il s’y emploie, qu’il s’agit de sa priorité et qu’il a réuni des sommités pour le bien conseiller. Dont acte ! mais sa communication est aussi calamiteuse que dans le dossier enterré par nécessité de la réforme des retraites. Il existerait un remède en attendant le vaccin, mais faute de données statistiques, le ministre de la Santé ne veut pas être le ministre qui fera un pari sur la santé des Français. Il a peut-être raison. En quelques secondes il offre à ses détracteurs un boulevard, car cette belle formule balaie la question de savoir combien le médicament pourrait en sauver par rapport au nombre de décès qu’il pourrait occasionner.

Il voulait être professionnel, le voilà taxé de frilosité voire d’incompétence. Une sommité internationale française explique pourtant que les effets secondaires de la molécule sont maitrisés sous surveillance du médecin traitant.  Dans le domaine de la santé, on fait confiance plus volontiers à son médecin qu’a son ministre. Il va falloir un peu de temps pour qu’il le reconnaisse. Mais du temps, il n’y en a pas pour le patient qui doit attendre chez lui que le virus lui rende le droit de vivre que lui refuse le ministre. 

Si la communication est déplorable, cela n’enlève en rien l’engagement de l’État qui se bat conformément à sa mission pour protéger la population. Donnons-lui le crédit de faire ce qui est nécessaire et d’apprendre en avançant dans un univers incertain. C’est l’attribut d’une crise. Laissons de côté les galimatias pondus à la minute par des experts en tout, ignorons ces poules et coqs d’élevage déplumés qui infestent les médias de leurs piteuses fadaises.

Bon confinement.

Philippe Herbaut  le 29/03/2020

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Liban en colère N°1

Le Liban est en cessation de paiement. Son peuple est dans la rue. L’Iran et la Syrie sont à sa porte et tentent de le contrôler via le Hezbollah, et autres milices financées bien à propos. Les Palestiniens l’ont envahi. Il est en guerre technique avec Israël qui en a annexé un petit morceau du côté du Golan, et envoie des drones armés sur Beyrouth sud. Cela fait beaucoup ! La liste n’est pas exhaustive, mais suffit grandement à empêcher le pays et surtout la population de se vautrer dans le développement et l’harmonie. Le Liban est devenu le symbole du clivage : les diplomaties internationales, en bafouant sans vergogne le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes, en portent une grande part de responsabilité.

La crise est le quotidien du peuple tandis que les pays environnants se disputent les restes d’un pays à la croisée de l’Orient et de l’Occident, berceau de quelques civilisations. A peine se relève-t-il de la guerre que se réveille la récession flanquée de l’épidémie du siècle. La perle du Proche-Orient aurait pu être la Suisse d’Orient, elle est le jouet de grandes puissances aux ambitions sécuritaires, qui ne cachent même pas leurs projets mercantiles.

Pour bien utiliser le jouet, il faut un mode d’emploi, des tests sur les populations, des ventes d’armes, des plans juteux de reconstruction et surtout de solides ancrages dans la haine pour entretenir la guerre civile. Le temps est une composante essentielle : plus cela dure, plus la notice d’utilisation est susceptible de se dissoudre dans l’histoire. La manipulation peut se poursuivre et la haine couler à flots.

Nous y sommes, tous les ingrédients sont réunis : la chrétienté et sa religion d’amour qui se perd dans ses croyances et alliances divergences, l’Islam victime de la division entre sunnites et chiites et ses luttes de pouvoir, un Président Syrien qui massacre son peuple, deux peuples qui défendent leur droit à exister. Ce petit monde s’est donné rendez-vous au Liban qui croyait en l’accueillant vivre la paix de la réconciliation. La révolution du Cèdre en 2005 avait libéré le peuple du joug de l’envahisseur. La majorité des Libanais, comme elle avait raison, voulait le départ du Syrien, récupérer les fermes de Cheeba volées par l’Israélien du côté du plateau du Golan, désarmer le Hezbollah, régler le sort des prisonniers. Fort de 44% des suffrages à eux deux, un document d’entente, entre le Courant Patriotique Libre du Général Aoun et le Hezbollah dès 2006, appelle au dialogue, au consensus démocratique, à la consolidation de l’indépendance et de la souveraineté du pays. Mais il y est question, d’intégrer le Hezbollah à l’armée libanaise et de désigner clairement l’ennemi et les alliés, de restaurer des relations diplomatiques avec la Syrie et de renouveler la solidarité du Liban pour la cause palestinienne.

Cet accord pour le moins singulier est dénoncé par l’alliance dite du 14 Mars majoritaire (56% des suffrages), et soutenue par les États-Unis et leurs alliés. Le gouvernement de l’époque contrairement à l’usage ne comptera pas dans ses rangs de représentants du CPL. Le Hezbollah entre au gouvernement brièvement, pour en sortir en 2006. Il faudra deux ans pour en constituer un nouveau qui ne durera qu’un an. L’instabilité sur fond de crise constitutionnelle est bien installée. A suivre…

Philippe Herbaut le 13/03/2020

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