4e de couverture : Le Complotiste

 

Trois traine-savates et trois bobos brillants, un cadavre en décomposition avancée, dans, un parc de Montmartre.

Une belle histoire d’amour, une amitié profonde, une haine féroce.

Le commissaire Marian et son équipe pataugent dans les déclarations embrouillées des protagonistes de l’intrigue.

Sur la falaise de Bandiagara et le pavé de Montmartre, dans le bar du Mont Cenis, l’aiguille du compas s’affole, tandis que s’ouvre une brèche au royaume de la raison.

Le Complotiste – extrait

 

Sa condition le poursuit chaque nuit jusqu’à ce rêve étrange mettant en scène sa bouteille: elle est là, présente et l’entoure d’un voile hypnotique. Il est assis à sa table de travail les yeux fixés sur une feuille de papier virtuelle. La garce lui prodigue des caresses animales. Nue, lascive, elle l’entoure de ses bras menus et quand il veut la posséder, elle se dérobe en riant. Il la supplie et lorsqu’il peut la tenir, l’étrangler de ses pauvres mains, elle s’évanouit comme le filet d’eau dans le sable de la dune.

Il sait qu’il doit arracher la chape qui l’enserre, mais elle s’empare d’un repli de son âme et réapparaît. La voilà, plus puissante encore, qui occupe la place. La bête se délecte de ses neurones, se repaît de ses souvenirs. Il crie qu’elle le libère, qu’elle cesse cette débauche maléfique. Mais l’autre mène grand train et la supplique n’a pour effet que d’augmenter la souffrance et l’emprise.

Abruti de douleur, pantin désarticulé, vidé de sa substance, épuisé, il s’abandonne à sa maitresse.

La mort le réveille, elle est en colère.

– Vous n’avez pas le droit de décider de terminer votre vie. J’ai ce droit. Votre terme n’est pas échu.
– Je croyais que vos intentions cruelles s’étaient révélées et que vous m’attendiez en savourant votre victoire prochaine. Ma vie ne sert à rien, je n’ai plus de passion, l’amour est morte.
– La mort fait partie de la vie, mais vous l’avez, seul, transformée en enfer. Cuvez votre vinasse, vous n’avez pas besoin de pareille compagne! Vous possédez une faculté qui vous différencie des rats qui courent entre vos jambes la nuit, c’est le libre arbitre. Ecoutez le vent et cessez de poursuivre votre égo!

Après une cure plus efficace que les autres, il avait renoncé à l’alcool et à se détruire en oubliant de se reconstruire. Personne d’ailleurs ne l’y avait aidé. L’hôpital et ses médecins débordés, ses infirmières pourtant si dévouées n’avaient rien pu faire pour le sortir de son enfer. On avait bien essayé après des années de retrouver son étudiante, mais il avait toujours refusé de donner la moindre indication.

Il avait renoncé, une fois de plus, à se supporter. Il attendait qu’une étincelle de lucidité lui traverse l’esprit, une de ces illuminations divines qui tantôt vous glacent tantôt vous transportent. Comme si là-haut pouvait s’intéresser à un SDF qui désirait tant passer de vie à trépas aussi rapidement que possible. Ludo n’avait pas le courage de mettre fin au calvaire. Dieu ne l’avait pas guidé, Dieu était mort. Plus capable de le ressusciter, il n’y penserait jamais plus.

Les seuls moments où il regardait sa vie étaient dévolus à la jeune fille qui avait su enflammer son cœur et ses sens. Elle l’avait envoyé aux abysses, il lui parlait encore d’amour. Il avait organisé sa vie de misère et trouvé ses propres solutions, quelqu’un venait, sans le savoir, de les questionner de bien horrible manière.

La présence des policiers bouleverse ces lieux qui ne seront plus jamais sereins parce qu’un cadavre en décomposition avancée vient d’y être découvert.