4e de couverture : L’Anglais et les trois Grâces
Au sortir d’un théâtre du 18e arrondissement de Paris, un homme est assassiné de trois coups de couteau et jeté dans une benne à ordures.
Les coupables présumés sont identifiés rapidement. Mais, ils ont un alibi confirmé l’un par l’autre. Aucun ne semble connaître la victime.
La logique dans cette enquête n’est pas l’outil le mieux adapté. C’est dans l’imagination qu’il faut se réfugier.
Une pièce de théâtre où l’on oublie temps et réalité oriente l’exercice.
L’Anglais et les trois Grâces – extrait
Tout est sur la scène : la masse, le temps, l’espace. Recette divine ou soupe contrainte par les lois de la nature, voilà que parait la matière. Elle est bien seule sans personne pour la courtiser. Le rideau se lève pour le second acte. Il dévoile la nudité de la belle. Ceux qui la regardent veulent la dominer à l’instant. Allumés, les spots ! la matière exulte, elle renvoie la lumière en exhibant des charmes aux « courbures » presque parfaites, celles de l’espace-temps. Elle est sublime, elle suffit à enflammer corbeilles et balcons.
Parlant d’une maîtresse aussi exigeante, on devrait dire de ses « courbes », mais rien ici n’est comme ailleurs : il faut accepter de ne rien maîtriser, parfois de ne rien comprendre et se tromper souvent.
En voilà une scélérate ! Le metteur en scène l’a conçue ainsi, parce que l’auteur l’a voulu. Au diamant que l’on croit si pur, il a pris soin d’adjoindre une pierre précieuse, produit d’une autre histoire de Higgs, aussi parfaite que sa congénère. Elle fait appel aux bannis faiblement lumineux. On ne les avait pas vus venir. Ils sont fiers de leur retour sur la scène ? Rien ne se perd, tout se crée, mais rien encore ne se transforme. Lavoisier en mangerait sa perruque.
Fatigué d’avoir façonné son œuvre première, Higgs a oublié de soigner l’apparence de la seconde. Elle s’apparente à un mollusque, elle provoque le dégout instantanément. Voyez ce monstre armé de ses axones, telle la pieuvre occuper avec son réseau le jardin, tandis que l’autre, la matière vers qui les regards convergent se prostitue côté cour !
La beauté perfide fait face. Elle a compris le danger. Elle voit se rapprocher l’abomination qui rampe vers elle doucement. La laideur, comme le spectateur, sue le désir. L’affrontement entre les deux formes est inévitable. Elles se querellent. Elles en viendraient aux mains si elles en avaient, alors elles se battent avec leurs moyens. Cela prend du temps, mais du temps, il n’y en a pas. Le metteur en scène est pressé. Il n’a droit qu’à une seule passe, c’est bien peu pour animer la matière, lui donner du sens.
Le neurone, puisqu’il faut l’appeler par son nom, n’a pas l’habitude de la lumière bien qu’il en possède un grain. Son domaine c’est la connexion, la complexité, les courants électriques, la pensée. La matière, on le sait, vend son corps et son âme à qui célèbre son charme. Elle a des ambitions qu’elle voudrait bien imposer à l’abominable qui s’approche en déformant son corps visqueux. Le répugnant continue de se traîner avec ardeur en direction de sa proie bien que la beauté le repousse. Matière et ambitions ne font pas bon ménage ; la garce n’en a pas les moyens.
La chorégraphie réglée par la nécessité traduit l’impatience du monstre qui obéit aux ordres de son maitre. Il est tout proche de nouveau. D’un seul mouvement, son corps abject s’élève, passe la barrière de la rampe, revient vers sa proie, puis fond sur la matière, et la terrasse. L’accouplement secrètement désiré par les invités va se produire.
Dans la salle, on hurle tandis que la créature hideuse commet l’irréparable : la relation non consentie de la beauté et de la laideur se déroule devant le public ; un viol en direct, pas de censure, quelle aubaine ! Le neurone entoure passionnément sa proie, on entend le bruit dégoutant de la succion. La matière est proche de succomber étouffée par l’emprise du céphalopode qui la retient de sa molle énergie.
La beauté se débat encore sous le voile dégoulinant de bave noircie par le désir de la bête haletante. Des grognements résonnent au rythme de la possession. Il n’est pas question d’amour, la violence commande, comme la nécessité.




