Rumba en gare de Lyon

Une star de la rumba congolaise a provoqué à son corps défendant des troubles graves à l’ordre public aux abords de la salle de spectacle dans laquelle il se produisait. Des voitures incendiées, des scooters partis en fumé, une gare évacuée, des lignes de Métro et de RER perturbés, une cinquantaine de garde à vue et du travail pour les policiers et les pompiers qui n’en manquent pas en ces temps troublés.

Des opposants congolais réfugiés en France ou Français d’adoption ou les deux en même temps étaient en colère contre le chanteur accusé de collusion avec le président congolais et son prédécesseur, tous deux grands amateurs de démocratie mais avec la modération qui sied aux sages. Démocrates certes mais sans fanatisme si l’on en croit les déchainements médiatiques relatant de nombreuses exactions commises sur les millions de réfugiés et de déplacés dans le pays.

Rien de bien grave, la routine en quelque sorte si l’on compare avec un samedi de gilet jaune. D’ailleurs BFM TV n’a pas consacré la soirée à cet événement, c’est un signe. Dommage, on aurait pu découvrir que le Rwanda avait sponsorisé le concert, et que la manifestation avait été menée contre le président Rwandais lui-même démocrate avisé. Pour un peu on donnerait raison à cette opposition aux régimes sanguinaires qui poussent sans engrais des tropiques à l’équateur.

Ce n’est pas chez nous, heureusement ! Mais la République démocratique du Congo regorge de métaux rares en particulier dans la zone du Kivu ravagée par une guerre qu’entretiennent le Rwanda et l’Ouganda pour la suprématie de l’exploitation minière. L’intérêt que porte la communauté internationale à la zone des grands lacs n’a pas l’odeur du pétrole. L’or que l’on extrait n’est pas noir. Ici on lui préfère le coltan et le cobalt, métaux rares dont on équipe nos smartphones.

Revenons aux opposants congolais qui manifestent sur le sol français pour que l’on entende leurs revendications. Ils ont bravé l’interdiction car cette manifestation n’était pas autorisée. Selon Amnesty international le droit de manifester ne devrait pas être soumis à une autorisation préalable car devoir demander une autorisation pour manifester ses opinions a un effet dissuasif trop fort et limite donc l’exercice de cette liberté fondamentale.

Or le droit de manifester est consacré à l’article 11 de la Convention Européenne des Droits de l’Homme : “toute personne a droit à la liberté de réunion pacifique et la liberté d’association”. C’est clair : oui à la manif non aux incivilités. Trivial certes, mais en France se développe une théorie de la protestation fondée sur la violence et non sur le dialogue. Ainsi, la violence devient un attribut de la protestation et son contenu venant au second ordre s’ôte à lui-même son propre objet. Réapparaissent les vieux démons du pouvoir au bout du fusil.  

Les pouvoirs publics vont devoir professionnaliser l’encadrement de ces manifestations pour s’assurer de la sécurité des personnes et des biens. Une approche plus axée sur la médiation que sur le LBD ou le tonfa et des commandos pour lutter contre les black blocks. Tellement facile à dire !

Philippe Herbaut, le 01 mars 2020

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Les séparatistes

Je croyais avoir tout compris du mal qui ronge les banlieues. Présomptueux pour le moins ! Ce n’est pas l’islamiste, c’est le séparatiste. Ce n’est pas le communautarisme, c’est le séparatisme islamique. J’aurais du être plus attentif au discours du Ministre de l’Intérieur du 28/11/2019. « Pour nous attaquer à ce mal, il nous faut d’abord être en mesure de le connaître et de le définir. L’heure n’est plus aux pudeurs ni aux faux-semblants. Disons-le franchement, comme vous le constatez sur le terrain : la radicalisation et le terrorisme sont les symptômes les plus graves d’un mal plus profond qui touche trop de nos quartiers. Je veux parler de l’islamisme et du communautarisme. Contrairement au terrorisme, rigoureusement défini dans le code pénal et qui recouvre l’intégralité des infractions commises intentionnellement en relation avec une entreprise individuelle ou collective ayant pour but de troubler gravement l'ordre public par l'intimidation ou la terreur, l’islamisme et le communautarisme n’ont pas de définitions juridiques précises. Nous pouvons donc les aborder, d’abord, par la description de leur réalité politique. (Www.intérieur.gouv.fr) ».

Le président de la République dont le goût pour les discours et la langue française est bien connu, a volé au secours de son Ministre en qualifiant de séparatisme islamique la réalité dont il est question.

Il est grands temps de nous essayer à quelques définitions pour éclairer le débat :

·      L’Islam est une religion, l’islamisme est une idéologie politique qui place la loi de dieu, ou celle de ceux qui la détournent à leur profit, au-dessus des lois de la République.

·      Une communauté est, dans le sens usuel, un ensemble de personnes vivant ensemble. (Wikipédia), Le communautarisme donne à la communauté une valeur plus importante qu'à l'individu et prétend contrôler les opinions et les comportements des membres de la communauté contraints à une obligation d'appartenance.

·      Le séparatisme islamique rejette les valeurs de la République et la loi commune.

Nous voilà plus savant et l’on a bien compris que le plan dévoilé par le Président à Mulhouse s’attaque aux comportements antirépublicains et non aux pratiquants d’une religion dont on peut questionner la compatibilité avec la République (la religion, pas les pratiquants). Pour autant, si l’ambition est louable, les contours du plan sont bien brouillardeux. La mesure phare consistant à mettre fin à l’accueil des Imams détachés de pays étrangers (Maroc, Algérie, Turquie.) ne semble pas être un remède universel ou tout au moins propre à répondre à l’incivilité dans les banlieues. L’imam est celui qui conduit la prière chez les sunnites, il n’a pas besoin de formation. Le charisme et la reconnaissance que lui accordent les fidèles sont suffisants. Les mesures concernant le financement des cultes paraissent plus efficaces. Quant à la suppression de l’enseignement des langues et cultures d’origine objet d’une directive européenne de 1977, il faut probablement y voir une mesure qui peut plaire à un électorat que veut toucher la mouvance politique du président avant les élections municipales.

C’est dire si le plan doit être enrichi et nourri de réflexions républicaines. On peut se demander à Aubervilliers, proche banlieue parisienne ou le chômage atteint 50%, si la république ne pratique pas elle-même le séparatisme dont elle cherche à se déhaler ?

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Air et fer, disparition d’un mythe

 

Pour parler d’aviation et de transport aérien il me faut vous conter une histoire d’amour. Cette histoire réécrit un mythe que vous connaissez bien.

– Le roi de Crète, Minos, reçoit en cadeau de Poséidon, un taureau blanc, pour qu’il lui soit offert en sacrifice. La bête est magnifique, 900kg, casaque blanche, naseaux fumants, coqueluche de ces dames de la race bovine. – Minos, sans doute par étourderie, sacrifie un autre animal. – Poseidon, furieux se venge, par un de ces tours de passepasse propres aux Dieux de l’Olympe. Il fait que la reine de Crète, Pasiphaé femme de Minos, s’éprend du taureau blanc. * Dédale est un célèbre ingénieur. Pasiphaé lui demande de créer un artifice lui permettant de s’accoupler à l’animal sacré, requête à laquelle Dédale accède. – De cette union nait le Minotaure, le corps d’un homme, la tête d’un taureau. Pour cacher le fruit de ce déshonneur, Dédale, encore lui, construit le labyrinthe qui enferme la bête. – Minos qui ne veut pas faire le buzz sur BFM TV Crête, demande à Thésée de tuer le Minotaure. – Thésée pour l’amour d’Ariane exécute la tâche et s’en retourne vers sa belle en fuyant le labyrinthe grâce au célèbre fil dont l’idée vient, contrairement à ce que l’on croit de Dédale, qui décidément mange à tous les râteliers. – A cause de ses trahisons répétées, Dédale est jeté avec son fils Icare dans le labyrinthe dont il est l’architecte. (Pas Icare, Dédale) – Ne pouvant emprunter ni la voie des mers, ni celle de la terre, Dédale pour fuir la Crète, fabrique des ailes semblables à celles des oiseaux, avec de la cire et des plumes. – Le Briefing du père pour le fils est clair : on ne vole pas trop bas, à cause de l’humidité de l’eau et on ne vole pas trop haut, à cause du soleil et de ses rayons brulants.

La suite vous la connaissez : Icare périt dans les flots, Dédale crée l’aviation.

On notera que le mot « aviation » ne sera inventé que quelques milliers d’années plus tard par Gabriel de La Landelle ; du latin avis =  oiseau, et actio = action. Le mythe est entretenu, par la bravoure et les actes de femmes et hommes : ingénieurs, mécaniciens, pilotes, écrivains, etc. Ils sont nombreux à faire du rêve de quelques-uns la réalité d’aujourd’hui. Un hommage en passant à Alberto Santos-Dumont, Amélia Ehrart, Antoine de Saint-Exupéry, Charles Lindbergh, Charles Nungesser, Hélène Boucher, Louis Blériot, Pierre Clausterman, Didier Daurat l’homme du courrier et bien d’autres.

Comment est-on passé de l’Aviation avec un grand « A » au transport aérien avec un petit « t » ou un grand  « T » d’ailleurs ? Plusieurs raisons :

– Le développement du commerce. – L’aviation, réservée aux riches, ministres, hommes d’affaires, s’ouvre vers les transports de masse. – L’abandon des drôles de machines volantes pour des appareils plus performants, plus confortables et de plus forte densité. – Les différentes crises pétrolières.

Fin d’un mythe peut-être, nostalgie surement. Les hommes l’ont construit pas à pas, vol après vol jusqu’à ce que les intérêts économiques ne rencontrent plus le gout du rêve et vice-versa.

Parler de chemin de fer, et de transport ferroviaire, c’est essayer de rechercher pourquoi un complexe utilitaire et fonctionnel, un système de transport comme le chemin de fer a pu et peut encore nourrir l’imaginaire collectif, jusqu’à devenir un phénomène transculturel, un véritable lieu commun de civilisation.

Vous voudrez bien me pardonner d’avoir emprunté et mis à ma sauce les propos de Jean Bouley, ancien directeur du matériel de la SNCF.

Pour saisir l’importance du mythe ferroviaire, dont le monde moderne reste fortement imprégné, rappelons une réaction courante qui se manifeste dans tous les pays, chaque fois que les pouvoirs publics envisagent ou décident de fermer de « petites lignes » déficitaires : il n’y passe qu’un ou deux trains par jour, souvent peu occupés, et pourtant quelle levée de boucliers suscite l’abandon de ces lignes de la part des populations desservies !

Le traditionnel effet de résistance au changement ne suffit pas à expliquer cette opposition quasi viscérale. Quelles sont les racines de ce discours mythique que la collectivité a progressivement élaboré autour du chemin de fer, depuis 150 ans qu’il existe ? La proximité est le premier de ces attributs ; elle se mesure avec précision en unités de temps (« Lyon est à deux heures de Paris avec le TGV »). Le chemin d’acier ne s’interrompt pas, il donne l’idée de l’infini, et la continuité du rail. Il existe une psychologie romanesque du train : Blaise Cendrars a un jour versé de vraies larmes lorsque, le pied sur un rail de la gare de l’Est à Paris, il a songé que cette tige d’acier, sans rupture, touchait à la Chine.

Une deuxième notion est celle du chemin de fer comme moyen et symbole d’évasion. Les références ne manquent pas des écrivains qui ont exprimé la poésie et le plaisir du voyage ferroviaire. Marcel Proust écrit (du côté de chez Swann) : « Les pays que nous désirons tiennent à chaque moment beaucoup plus de place dans notre vie véritable que le pays où nous nous trouvons effectivement. » Dans combien de romans ou de films ne voit-on pas figurer les halls de départs où se presse, côté « grandes lignes », la foule joyeuse, colorée et bruyante des évadés (peut-être que tout cela est un peu exagéré au vu des 40 derniers jours de grève de la SNCF et de la RATP).

Comme on est passé de l’aviation au transport aérien le mythe du Chemin de fer a cédé la place au transport ferroviaire tous deux, d’ailleurs, pour les mêmes raisons. Icare et Hermes ont du mal à survivre à la civilisation qui leur a donné naissance. La vitesse est devenue source de discorde, de concurrence. Air et Fer luttent pour leur survie, mais c’est maintenant Chronos qui gouverne. De ce fait l’aérien et le ferroviaire n’ont pas un avenir assuré, le premier parce qu’il contribue à la pollution de la planète, le second parce qu’il n’est pas adapté aux distances supérieures à 1000km.  Il est grand temps de tourner la page, changer de paradigme., se laisser bercer par Chronos : la supraconductivité nous y invite.

La supraconductivité, un mot magique pour des phénomènes étonnants ! La lévitation magnétique (MAGLEV) est une application spectaculaire du phénomène de supraconductivité avec de nos jours la réalisation de trains à très grandes vitesses.

– Le Train Hyper Loop de Elon Munk : un projet futuriste de train à très grande vitesse, baptisé Hyperloop, a été lancé en 2013 par le milliardaire américain Elon Musk<:span>, déjà à l’origine de SpaceX et Tesla . L’idée est de déplacer des capsules de passagers comme de fret par maglev le long d’une voie faite d’un tube à basse pression. Le projet est ouvert aux offres concurrentes de plusieurs entreprises, dont la startup « Hyperloop One » qui a fait la démonstration d’un prototype en public, près de Las Vegas le 11 mai. Il permettrait de relier en 30mn les 600km séparant Los Angeles de San Francisco, selon ses ingénieurs. – Les projets chinois : une équipe de scientifiques de l’université de Jiaotong a construit, en mai dernier, un prototype de train à sustentation magnétique, théoriquement capable de se déplacer à 2.900 kilomètres par heure. Ce train, qui pourrait faire Paris-Moscou en une heure, doit cependant circuler dans un tube, où la pression de l’air est dix fois inférieure à la pression atmosphérique, pour avancer à cette vitesse. La résistance de l’air au déplacement du train y est nettement réduite, tout comme l’énergie consommée. – …….

En un mot, il ne reste plus qu’à trouver une solution pour le transport aérien long-courrier. C’est une affaire de 20 ans pas plus, pour que le Maglev remplace l’avion.

Ph Herbaut – le 30 janvier 2020 ans pas plus.

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Brexit J-3

Une belle réussite de la démocratie. Ce qu’a voulu le peuple, le Premier ministre britannique l’a réalisé. Un référendum, des palabres interminables et un tour de passepasse politique plus tard, la Grande-Bretagne sortira au 31 janvier 2020 de l’Union européenne. Il y a bien quelques menus détails à régler, ainsi a-t-on prévu une période de transition. Cette approche résolument prudente permettra de trouver sur le terrain des solutions que le traité validé par Londres et Bruxelles a laissées, non moins prudemment, de côté. En substance : négocier un nouveau partenariat commercial, dénouer l’imbroglio des deux Irlandes ; vivre avec l’UE en quelque sorte.

Le Premier ministre et sa majorité confortable devront s’expliquer sur les différences notoires entre les avantages du Brexit mis en valeur avant le référendum et ce qu’il reste de ces avantages, c’est à dire : rien. Il a un an pour signer un pacte de vivre ensemble au mieux des intérêts du peuple britannique. Traduisez : pas question de mettre sa signature au bas d’un chèque de 36 milliards d’euros promis par traité exprès.

Perfide Albion qui ne veut pas perdre son statut de place financière au profit de Paris, Frankfort ou même Luxembourg, tu es soutenue une fois encore par Donald Trump. Toujours à l’affut d’une bonne affaire, il t’a encouragé comme ses prédécesseurs dans la déstabilisation des marchés européens pour contraindre l’UE à signer un accord scélérat de libre-échange (TAFTA). Nul doute qu’il te réserve un partenariat commercial très juteux si d’aventure les menaces de l’ogre américain ne venaient pas à bout de la vielle Europe.

Ainsi le Brexiter et conservateur BoJo a battu en 2020 le travailliste Edouard Heath de 1973. BoJo a donné raison au Président de Gaulle qui s’était opposé par deux fois à l’adhésion de son voisin d’outre-Manche.

Est-ce une si belle victoire de la démocratie que de mentir au peuple pour orienter son vote ? L’homme de la rue peut-il se prononcer sereinement et efficacement sur des affaires aussi complexes ? Le Brexit est-il démocratique s’il s’appuie sur l’ignorance ?

Ph Herbaut 

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Le complotiste – Extrait

Ludo avait pris une mauvaise décision. Il aurait voulu la retenir et continuer de partager la passion. Il n’avait pas saisi cette exhortation, cachée dans une expression pleine de retenue, à la rejoindre en Chine ; il ne l’avait pas compris, ou bien l’entreprise était-elle au-dessus de ses moyens. Que ne s’était-il précipité à l’aéroport pour l’empêcher de partir ? Il aurait su trouver les mots que son cœur lui soufflerait. Au lieu de tout cela, sa lâcheté l’avait conduit à accepter, à ne rien mériter d’elle, à préférer son confort et son égo. Il était resté au pied de l’escalier.

La mauvaise décision c’est ce qu’il se répétait tous les jours. Il avait passé le premier jour sans elle à boire à la terrasse d’un café. Il s’était couché ivre mort dans le caniveau et ne l’avait plus quitté. Exclu de son cercle d’amis, exclu de son IEP, exclu du monde ; il croyait qu’il pouvait se punir de n’avoir pu sauver le seul véritable emballement qui avait illuminé sa vie. Il trouvait des justifications dans les verres d’alcool ; il en était arrivé aux bouteilles qu’il tétait avidement ; le liquide précieux était le moteur principal de sa vie.

Pour attirer la compassion, il avait tenté plusieurs fois de se suicider ; même sa famille ne supportait plus ses séjours à l’hôpital. Il était celui qui croit avoir vécu et pouvoir passer le reste de son temps à provoquer la mort. Il ne sait rien d’elle, l’imbécile, mais il dit qu’elle sera moins dure que la douleur. Sa condition le poursuit chaque nuit jusqu’à ce rêve étrange mettant en scène sa bouteille :

Elle est là, présente et l’entoure d’un voile hypnotique. Il est assis à sa table de travail les yeux fixés sur une feuille de papier virtuelle. La garce lui prodigue des caresses animales. Nue, lascive, elle l’entoure de ses bras menus et quand il veut la posséder, elle se dérobe en riant. Il la supplie et quand il peut la tenir, l’étrangler de ses pauvres mains, elle s’évanouit comme le filet d’eau dans le sable de la dune.

Il sait qu’il doit arracher la chape qui l’enserre, mais elle s’empare d’un repli de son âme et réapparait. La voilà, plus puissante encore, qui occupe la place. La bête se délecte de ses neurones, se repait de ses souvenirs. Il crie qu’elle le libère, qu’elle cesse cette débauche maléfique. Mais l’autre mène grand train et la supplique n’a pour effet que d’augmenter la souffrance et l’emprise. Abruti de douleur, pantin désarticulé, vidé de sa substance, épuisé, il s’abandonne à sa maitresse. La mort le réveille, elle est en colère.

– Vous n’avez pas le droit de décider de terminer votre vie. J’ai ce droit. Votre terme n’est pas échu.

– Je croyais que vos intentions cruelles s’étaient révélées et que vous m’attendiez en savourant votre victoire prochaine. Ma vie ne sert à rien, je n’ai plus de passion, l’amour est morte.

– La mort fait partie de la vie, mais vous l’avez, seul, transformée en enfer. Cuvez votre vinasse, vous n’avez pas besoin de pareille compagne Vous possédez une faculté qui vous différencie des rats qui courent entre vos jambes la nuit, c’est le libre arbitre. Ecoutez le vent et cessez de poursuivre votre égo.;

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Solidarité bien française

« Dans les temps de révolution, on ne trouve d’habileté que dans la hardiesse, et de grandeur que dans l’exagération.» L’extrême droite n’a pas bien compris la leçon de Talleyrand. Elle fonde, justifie et assène des vérités qui glorifient la discrimination sociale. Comment, sans une once de programme politique, peut on réunir autant d’adhésion. Comment rend on acceptable le rejet de ceux qui n’ont plus l’heur de servir de chair à canon ou de travailler dans le rebutant ?

C’est que nous avons, peuple de France, la solidarité sélective voir évolutive. Jadis polonais, italiens puis espagnols et portugais, aujourd’hui arabes et roms, nous sommes cocardiers, en l’occurrence, parce qu’il est plus confortable de vivre dans une bulle dont sont exclus le partage et la solidarité. Cela produit cette fracture sociale, dont parlait un de nos présidents. Belle idée d’en avoir fait un programme politique. On oublie ainsi que les méchants sont aussi français depuis plusieurs générations et l’on se glorifie de beaux textes dont la portée ne dépasse jamais la plume.

Des lois bien faites, parfois incompréhensibles autrement que par ceux qui les ont rédigées sont là pour gommer les inégalités.

Le droit au logement, droit universel, remporte la palme de l’inapplicable. Non seulement nous sommes incapables de construire suffisamment de logements sociaux mais en plus, statistiques à l’appui, 95%, sont attribués à des populations françaises ou non, issues de l’immigration. Le pluralisme ne plait pas aux édiles non plus que la cohabitation aux sans abri. Il est, de nos jours très difficile de se vautrer dans le socialisme municipal et la République indivisible.

Les priorités du gouvernement semblent être d’investir dans le développement des secteurs stratégiques d’avenir. Mais la conversion numérique, écologique et énergétique de l’industrie, l’économie sociale et solidaire n’a pas eu le succès attendu par feu le ministère du redressement productif.

Voilà un constat dont peuvent s’emparer les extrémistes mais aussi les prosélytes de l’Islam intégriste. Ces derniers ne s’en privent pas, car ils ont obtenu quelques succès aux municipales de 2014, parfois jusqu’à 10%. Ils font de la jeunesse en déshérence une cible privilégiée. L’Islam intégriste devient l’élément de cohésion sociale que la république ne sait pas offrir.

Pas étonnant dans ces conditions que les Maires de tous bords s’opposent à la construction de logements sociaux dans leurs communes. Ils ne veulent pas être l’origine d’une crise sécuritaire et identitaire. Pas étonnant certes, mais il n’est pas possible de cacher l’ampleur de la misère aux abords de nos villes. Le chômage y atteint parfois jusqu’à 40% de la population active.

Ce n’est pas la croissance qui profitera aux victimes de l’immobilisme de nos gouvernants. La formation et les compétences ne sont pas aux rendez-vous. Point de hardiesse et surtout pas d’exagération non plus que de courage ; cela revient à accepter de gérer une nouvelle crise dans la crise, lorsque que privée d’existence sociale les oubliés et méprisés  du système, sauront se prévaloir de leur droits fondamentaux. La révolte sera alors « le plus sacré des droits et le plus indispensable des devoirs ». 

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Nos vieux

Pauvre cellule familiale, tu ne résistes pas aux charmes de cette époque où l’on gère pour toi la sécurité de l’emploi, la sécurité sociale et la retraite. Ton existence est mise en danger parce que la solidarité dans la famille fait place à l’expression permanente de l’intérêt personnel. C’est la loi qui te protège qui te prive de tes bons offices au profit de l’harmonie que chacun recherche pour lui même. Ce n’est pas nouveau, l’idée que l’on se fait de sa place dans la société évolue en même temps que la vague de textes protecteurs qui déferle sans précaution sur ta communauté. La raison et l’administration tentent de remplacer l’amour. Eclatante indécence que cette hécatombe que subissent nos ainées lorsque la grippe ou la canicule font leur apparition. «Nos Vieux » ont le droit à notre reconnaissance et à nos soins.

Cette vielle dame du vingtième siècle les avait elle reçu de son mérite? La guerre l’avait privée de son mari. Elle, une poliomyélite que l’on ne soignait pas à l’époque, l’avait privée de ses jambes et un peu plus.

Son bel officier français en grand uniforme de l’armée coloniale était parti pour assainir les marais infestés de moustiques, d’une région d’Afrique du Nord, avec la compagnie qu’il commandait, au nom de cette solidarité qu’aujourd’hui on foule aux pieds parce que la terre appartient aux peuples, pas à la France. Il n’en était pas revenu, mort de la fièvre des marais (malaria) et de l’illusion d’avoir servi sa patrie et peut être les amis qu’il s’était fait là bas. Elle, son infirmité l’avait rendue dépendante de sa fille. Elles avaient, toutes les deux traversé une autre guerre, tapies dans des abris ou au service obligatoire de l’envahisseur dans la maison de la famille.

Sa fille unique avait épousé un brave homme qui avait accepté de s’occuper de sa belle mère. Le couple avait fait de beaux enfants.

Cette belle et grande dame immobile percevait trop bien la charge qu’elle représentait pour sa famille qui lui reprochait doucement d’être responsable d’une vie bien terne. Les années folles, les siens ne les avaient pas vécues. La dame aux cheveux blancs portait son infirmité et ses peines avec dignité et retenue. Son seul bien était une photographie de son mari en grand uniforme, à cheval. Elle avait perdu ses jambes, une grande partie de sa vie mais pas son cœur.

Comme pour alléger le poids d’une culpabilité qui tordait son ventre, elle distribuait, à ces petits enfants, la bonté et l’amour parce que sa vie en dépendait. Lorsque l’un d’entre eux, petit bonhomme d’à peine quatre ans avait découvert d’étranges signes cabalistiques sur la photographie, elle lui avait appris à lire et puis à compter aussi. Ce tout petit bonhomme subjugué par ses boucles blanches, son attention de tous les instants et ses airs de princesse de conte de fée, lui vouait une admiration infinie. Elle avait suscité chez lui une soif d’apprendre et de découvrir. Elle l’avait  accompagné jusqu’au bout parce qu’une relation d’une tendresse très profonde unissait les deux êtres et qu’elle en percevait les bienfaits.

Elle ne s’était pourtant pas débarrassée du mal qui la rongeait, le serpent mordait ses entrailles chaque jour un peu plus. On l’a conduite à l’hôpital ; elle ne pouvait plus retenir ses gémissements et même pas partager sa souffrance. Elle qui n’avait pas été épargnée par la vie avait dépensé ses dernières forces pour que ses petits enfants lisent dans ses yeux le dernier remerciement qu’elle leur adressait d’avoir adoucit son calvaire. Les petites mains qui disparaissaient dans la sienne avaient grandi : l’amour n’est pas morte. 

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Lettre à Marcel Trougnard

Cher Marcel,

tu es un personnage connu, très connu, quasi universel. Tu te caches à la une des communautés, des pages Facebook, Tweeter, Linkedin, des réseaux sociaux, ton boulot est de mettre en scène des morceaux de vie. Tu fréquentes les lieux branchés, les terrains de sport, les milieux politiques. Tu es à la fois le chantre de la moraline et de la bien-pensance de gauche ou de droite. Bref on te rencontre sur les médias aussi bien que dans les diners en ville. Même si ta pudeur simulée ne t’autorise que le strapontin des communicants, tes interventions sont remarquées, tes remarques silencieuses et tes silences piaillards. Tu es le plus populaire le plus présent et le plus obsédant des personnages virtuels.

Tu as lu Pierre Dac dans tous les sens et tu vérifies à chaque seconde qu’il est préférable d’être « ailleurs lorsqu’autre part n’est plus ici ». Ta saynète est réglée lorsque le bon sens est mis une nouvelle fois en échec et que cernées par les « à quoi bon » tes victimes te crient : « sers nous z’en un autre Marcel ». Tu n’es concerné que par les singularités dont les médias se font écho. Tu as toutes l’expérience et l’expertise du monde, tu as tout vu, tout fait et tu es capable de parler merveilleusement bien de ce que tu ne connais pas. On ne te découvre pas par hasard ; ta révélation, ton dévoilement sont le produit de la suffisance de tes contemporains. Tout d’un coup, tu les pares de ta splendeur.

On raconte que tu serais né de l’esprit étonné d’un enfant lors de la coupe du monde de football en 2010. Ce petit bonhomme aux yeux bleus des mers du sud un jour de tempête s’étonnait à la fois que l’on pût se commettre à regarder un tel spectacle plutôt que le dernier Tex Avery et de voir s’écrouler de douleur des joueurs chaque fois que le vent caressait leurs cheveux. Cela avait suscité une interrogation très respectueuse, quant à l’état de santé mentale des grandes personnes.

Il s’était dit qu’il fallait inventer un personnage qui serait le miroir de tout ce qui est faux–semblant. Il a donné un prénom et un nom, Marcel Trougnard, à ce reflet comme s’il pouvait déjà qualifier sa part d’ombre. Il t’a créé ou simplement perçu de l’image du monde que délivraient à l’instant, les petits écrans. Sa curiosité et son innocence si brillante, si pleine d’amour ont d’un seul trait d’humour croqué les adultes mieux que le sociologue expérimenté.

Le monde, en retour, doit bien à ce petit homme un tour de manège, une toute petite centaine d’années pour l’explorer et le façonner sans un Trougnard sur son chemin.

Voilà tous ces raisonneurs de l’absurde, ces marchands de sophismes, ces dialecticiens du ridicule, ces mécaniciens du cliché, avertis. Le petit bonhomme arrive dans leurs espaces sauvagement armé de l’expérience du Marcel, prêt à en découdre avec tous ceux qui oseraient mettre des barrières autour de son imagination, des limites à son horizon. C’est lui le changement et c’est maintenant, parce qu’il accepte de la  vie toutes les leçons qu’il renvoie avec esprit dans son monde dont est exclue toute médiocrité.

On l’avait instruit à craindre et à obéir sans s’apercevoir qu’il pourrait en tirer arrogance ou soumission. On lui avait dit combien il pouvait être fier d’imiter ses parents. Fort heureusement, il n’avait pas manqué d’en tirer originalité, hardiesse et indépendance. Même pas adolescent, il ouvre une brèche dans un mur de suffisance: plus besoin de lui tenir la main, sauf si « sagesse est amour plutôt que raison » (A. Gide).

Merci Mr Trougnard d’éclairer bien malgré toi ce qui est lui-même et ce qui est délicatesse du cœur.

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L’Anglais et les 3 grâces – extrait

A l’aide d’un brigadier, quelqu’un frappe douze fois le plancher. Trois coups lui répondent, l’un venu des cintres, l’autre du dessous et le dernier de la coulisse. Le rideau se lève et la rampe s’éteint.

L’espace est en effervescence. L’ordre si harmonieusement distribué se transforme en un remue-ménage indescriptible. Un coup de baguette magique, peut être, mais dans ce lieu si insolite, on ne croit guère à la magie. On s’agite, mais on ne s’entrechoque pas, on s’éclate en une multitude de grains minuscules qui folâtrent en attendant la rencontre espérée, on frappe sans ménagement les bords imprécis de la maison d’un soir. Le sorcier porteur de baguette se nomme Higgs, quelque entité mystérieuse lui intima, l’ordre de chasser le chaos et de mettre tout le monde au travail. Obéissant aux commandements du maitre, il exécute son ouvrage. Personne ne sait comment il pratique mais chacun y trouve son compte. Ceux qui n’acceptent pas ses bons offices sont mis à l’écart ; rebelles par nature, on les habille d’une perle de lumière pour qu’ils puissent être identifiés. Les autres connaissent le champ providentiel. Ils ont un goût prononcé pour le désordre ; cet engouement reste une énigme, un secret bien gardé. Ce qu’ils désirent par dessus tout est de s’accoupler avec les éphémères que le sorcier répand si généreusement. Ils ne le savent pas, mais ce condensat leur donne une existence et le temps pour la bien conduire.

Secrets habitants du rien, pensiez-vous! Vous êtes pesants et tombez désormais dans un vide qui se pare de votre présence ! Entre chacune de ces pépites, l’obscurité si obscure d’habitude contrarie son propre principe. L’ébène et le geai récusés, émergent le noir des abimes et la lumière, en même temps.

Le paradoxe réveille dame raison. Elle renifle la contradiction. Son travail est de pourchasser sans relâche les propagateurs de sornettes. Elle vient de trouver une proie. Elle affute sans retard ses armes maitresses, la logique et l’interrogation. « Mais alors, dit-elle, le vide n’est plus vide ! Où sont passés les grains de lumières bannis? Quel mage détient pareil pouvoir ? Qui est ce monsieur Higgs ? Qui raconte cette histoire à dormir debout ?»

La raison n’a pas tort, c’est là son attribut principal. Pourtant sa domination révèle quelques brèches qui s’ouvrent et se referment au gré du génie de contradicteurs. Dès que l’on parle d’amour, elle court se cacher derrière ses paradigmes de peur qu’on lui vole sa raison d’être. On lui dit de la beauté, elle se pare du nombre Phi. Pire ! Un cercle est parfait dans l’imagination, jamais sur une feuille de papier, n’en déplaise au nombre Pi. Haro sur ces nombres irrationnels et transcendants qui l’empêchent de décider qui du rêve ou de la réalité est le plus réel.

A bout d’arguments, incapable de discerner le vrai du faux, elle témoigne que  sa véritable nature est un théâtre bien singulier. Un théâtre dites-vous? Mais nous y sommes ! Pourquoi n’avez vous pas allumez le feu de la rampe? On n’y voit goutte ! Ce morceau d’histoire, ce petit bout d’espace méritent qu’on les éclaire. Soit ! On braque les projecteurs, on organise le jeu des lumières, on libère le feu. On a compris qu’il s’agit du produit de l’imagination de Mr Higgs, le physicien britannique, écossais d’adoption. Son œuvre décrit de biens étranges personnages : des bosons et des photons. Le scénario veut décrire la réalité et tordre le cou à l’angoisse de l’incertitude. On sait maintenant qui est le scénariste mais toujours pas l’auteur, il se peut que l’un et l’autre aient été en étroite relation et que le second ait soufflé son texte au premier. Pure conjecture certes ! Mais la scène ne se prive pas d’hypothèses scabreuses.

Il y a un problème ! On ne voit rien malgré l’éclairage intense. Pour que le spectacle prenne forme, il faudrait tout éteindre et se transporter dans les couloirs sombres  d’un accélérateur de particules. A force de vouloir éclairer la nuit, on a perturbé le cycle de nos héros. Ils refusent obstinément de se montrer tant que l’on n’a pas restauré leur environnement. L’acte d’amour s’appelle interaction, pas orgie collective et les voyeurs en sont exclus.

Heureusement, le Théâtre à beaucoup de ressources, il n’a que faire de ce genre de contradictions. Il met en présence des personnages si originaux qu’ils n’ont pas besoin pour exister, d’une raison quelconque. Il leur suffit de « porter la réalité à la scène et de l’interroger ». Higgs, le bon docteur, l’a fait en postulant la particule à laquelle il a donné son nom. Certains aimeraient bien l’appeler la particule de Dieu. On apprend que cette particule n’a rien à voir avec Dieu, car elle appartient à un champ omniprésent qui confère une masse aux particules qui en sont dépourvues.

Reste que l’on connaît le  « comment », mais « qui et pourquoi » gardent leur mystère : pas de chance et toujours pas d’auteur. Il faudra attendre de nouvelles illuminations ou des interprétations qui devront peut-être à l’extravagance. Qu’importe, on trouve beaucoup de metteurs en scène qui l’entendent de la même oreille, pour qui, l’œuvre d’art n’est qu’une idée qu’il suffit de développer. Ils se projettent au delà des horizons et confondent avec talent le réel et l’imaginaire. Puisque le rêve est perfection, c’est lui qui mérite de matérialiser la connaissance de l’univers, personne d’autre. Oubliées les questions fondamentales, elles n’ont pas de réponses dans le système de pensée qui les génèrent. Elles ne sont pas permises et la raison n’y peut rien puisque c’est elle-même qui le prétend.

Ce qui n’est pas permis attire plus que ce qui est nécessairement acquis ou esclave de la doxa. Douter de tout est même une technique efficace car l’esprit n’est pas conçu pour se donner à lui-même ses propres barrières. On n’en est pas plus savant, mais au moins les lois d’incomplétude se vérifient parfaitement. Le petit monde dont il est question a bien compris tout cela, de sorte qu’il n’a pas besoin de savoir s’il était nécessaire qu’il existe ou s’il fut crée par autre chose que lui-même. Fin du premier acte : effondrement de la raison et danse effrénée des personnages pour le célébrer. Le rideau est tiré mais demeure l’angoisse d’une idole perdue. Le spectateur n’aime pas qu’on brise ses idoles, cela le contraint à rompre avec ses erreurs. Il lui faudrait du courage alors qu’il exige du théâtre le droit au rêve.

La masse, le temps, l’espace, recette divine ou soupe contrainte par les lois de la nature, paraît la matière. Elle est bien seule sans personne pour la courtiser. Le rideau se lève, pour le second acte, il dévoile la nudité de la belle à des spectateurs avides de la dominer. Allumés les spots, la matière exulte, elle renvoie la lumière en exhibant des charmes aux courbures presque parfaites, celles de l’espace-temps. Lorsque que l’on parle d’une maitresse aussi exigeante, on devrait parler de courbes, mais rien ici n’est comme ailleurs: il faut accepter de ne rien maitriser, parfois de ne rien comprendre et se tromper souvent. Elle est sublime, elle suffit à enflammer corbeilles et balcons, mais c’est une scélérate, le metteur en scène la conçue ainsi. Au diamant que l’on croit si pur, il a pris soin d’acoquiner un neurone, produit d’une autre histoire de Higgs, aussi parfait que sa consœur, mais dont l’apparence provoque le dégoût. Regardez-le, armé de ses axones, telle la pieuvre, occuper avec son réseau le jardin, tandis que la traitresse se prostitue coté cour !  Ces deux-là ne tarderont pas à s’affronter, se quereller, se battre et enfin s’accoler. Il leur faut du temps, mais du temps, il n’y en a pas car le metteur en scène est pressé. Ils n’ont droit qu’à un seul acte, c’est bien peu pour animer la matière, lui donner du sens. Le neurone n’a pas l’habitude de la lumière, son domaine c’est la connexion, la complexité, les courants électriques, la pensée. La matière, on le sait vend son corps et son âme à qui lui donne forme. Elle a des ambitions qu’elle voudrait bien imposer à l’abominable créature qui rampe en déformant son corps visqueux.

Dans la salle des hurlements de terreurs retentissent tandis que la créature hideuse commet l’inévitable : le viol, la relation non-consentie de la beauté et de la laideur. Le neurone entoure lentement sa proie, on entend le bruit horrible de la succion. Tout les différencie. Ils auraient du s’opposer, se repousser mais l’un et l’autre n’existent que par la présence de son contraire. La matière est proche de succomber étouffée par l’emprise du céphalopode qui l’entoure de sa molle énergie. Effarant ! On voit encore la beauté se débattre sous le voile dégoulinant de bave noircie par le désir de la bête haletante. Ses grognements résonnent au rythme de la possession. Tout est consommé ! Matière et neurone ne font plus qu’un. L’agitation dégoutante, odieuse, écoeurante, fait place à un silence plus incommodant encore. Sans aucun bruit, le processus de digestion se met en oeuvre. On devine les ondulations de la forme sur la scène. Cela dure car le temps est né et remplit l’espace.

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Un soir au Sahel – Extrait

Ludo avait pris une mauvaise décision. Il aurait voulu la retenir et continuer de partager la passion. Il n’avait pas saisi cette exhortation, cachée dans une expression pleine de retenue, à la rejoindre en Chine ; il ne l’avait pas compris, ou bien l’entreprise était-elle au-dessus de ses moyens. Que ne s’était-il précipité à l’aéroport pour l’empêcher de partir ? Il aurait su trouver les mots que son cœur lui soufflerait. Au lieu de tout cela, sa lâcheté l’avait conduit à accepter, à ne rien mériter d’elle, à préférer son confort et son égo. Il était resté au pied de l’escalier.

La mauvaise décision c’est ce qu’il se répétait tous les jours. Il avait passé le premier jour sans elle à boire à la terrasse d’un café. Il s’était couché ivre mort dans le caniveau et ne l’avait plus quitté. Exclu de son cercle d’amis, exclu de son IEP, exclu du monde ; il croyait qu’il pouvait se punir de n’avoir pu sauver le seul véritable emballement qui avait illuminé sa vie. Il trouvait des justifications dans les verres d’alcool ; il en était arrivé aux bouteilles qu’il tétait avidement ; le liquide précieux était le moteur principal de sa vie. Pour attirer la compassion, il avait tenté plusieurs fois de se suicider ; même sa famille ne supportait plus ses séjours à l’hôpital. Il était celui qui croit avoir vécu et pouvoir passer le reste de son temps à provoquer la mort. Il ne sait rien d’elle, l’imbécile, mais il dit qu’elle sera moins dure que la douleur. Sa condition le poursuit chaque nuit jusqu’à ce rêve étrange mettant en scène sa bouteille :

elle est là, présente et l’entoure d’un voile hypnotique. Il est assis à sa table de travail les yeux fixés sur une feuille de papier virtuelle. La garce lui prodigue des caresses animales. Nue, lascive, elle l’entoure de ses bras menus et quand il veut la posséder, elle se dérobe en riant. Il la supplie et quand il peut la tenir, l’étrangler de ses pauvres mains, elle s’évanouit comme le filet d’eau dans le sable de la dune. Il sait qu’il doit arracher la chape qui l’enserre, mais elle s’empare d’un repli de son âme et réapparait. La voilà, plus puissante encore, qui occupe la place. La bête se délecte de ses neurones, se repait de ses souvenirs. Il crie qu’elle le libère, qu’elle cesse cette débauche maléfique. Mais l’autre mène grand train et la supplique n’a pour effet que d’augmenter la souffrance et l’emprise. Abruti de douleur, pantin désarticulé, vidé de sa substance, épuisé, il s’abandonne à sa maitresse.

La mort le réveille, elle est en colère.

  • « Vous n’avez pas le droit de décider de terminer votre vie. J’ai ce droit. Votre terme n’est pas échu.
  • Je croyais que vos intentions cruelles s’étaient révélées et que vous m’attendiez en savourant votre victoire prochaine. Ma vie ne sert à rien, je n’ai plus de passion, l’amour est morte.
  • La mort fait partie de la vie, mais vous l’avez, seul, transformée en enfer. Cuvez votre vinasse, vous n’avez pas besoin de pareille compagne ! Vous possédez une faculté qui vous différencie des rats qui courent entre vos jambes la nuit, c’est le libre arbitre. Ecoutez le vent et cessez de poursuivre votre égo ! »
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