Je chantais et dansais, ne vous déplaise. L’amour et l’eau fraiche suffisaient à vivre. L’amour, surtout, car l’eau venait à se faire rare et, vous allez rire, en Afrique, ils n’avaient même pas d’eau.

« Foin des délices de Capoue, 
Corona crie partout, 
vains dieux 
restez couchés,
l’oxygène va manquer. » 

Les griots et laudateurs vendant leur talent à septentrion ont abandonné le tronc des baobabs pour les lueurs de la cité. Les airs joyeux de la banlieue d’Asmara, de Djouba, de Bamako ou de Lagos se sont éteints sur les frêles esquifs naviguant sur les eaux bleues de la méditerranée. Ceux qui sont restés ne tarderont pas à faire entendre leur voix lorsque le covid-19 cessera d’épargner le continent.

Le Nigéria et ses 200 millions d’habitants devront faire face. Véritable éponge à pétrole dans le delta du Niger, le pays s’est beaucoup équipé en matériels de forage. L’Organisation mondiale de la Santé fait savoir quel euphémisme, que les systèmes de santé en Afrique sont mal équipés pour affronter l’épidémie. Selon le Secrétaire général de l’Organisation des Nations unies, la propagation du virus pourrait conduire à des millions de morts. Fort à propos, la Chine, principal partenaire commercial de l’Afrique, dépêche ses experts, là où l’or noir coule à flots. Elle multiplie les dons d’équipements médicaux comme pour tisser les liens de soie qui bornent ses relations avec le continent.

Les risques sont évalués, l’inquiétude est grande, la réalité est bien différente. Africa News publie au 10 avril ses statistiques. Pour 10 247 cas recensés, on déplore le décès de 522 personnes. La malaria (c’est a dire le, paludisme) en tue 400 000 par an. On peut évidemment contester ces statistiques ou bien se demander pourquoi le covid-19 ne se répand que très lentement. Les experts ne le savent pas si l’on en croit un article récent du quotidien 0uest France confirmé par RFI. Nul doute que les chercheurs se concentrent sur cette singularité. Les symptômes du paludisme ne sont pas ceux du Corona. Les molécules dont on connait bien le nom à présent (quinine, chloroquine, méfloquine) soignent le premier avec efficacité, on s’inquiète de leurs effets secondaires pour le second. Quelle essence dissonante se révèle donc ici ? La France serait-elle frileuse d’absorber les médicaments qu’elle fabrique pour l’Afrique ? Il n’y a pas de paludisme endémique en France, du moins pas encore. Il n’est pas contagieux. Le moustique français ne ressemble pas à l’anophèle porteur de la fièvre des marais.

Chez nous, le confinement s’impose, chez eux, c’est un luxe qu’ils ne peuvent se permettre.

Philippe Herbaut – Le 12 avril 2020